Notre responsabilité pour le monde

 Barack Obama au Kirchentag

25 mai 2017

Sa présidence achevée, Barack Obama poursuit son engagement politique sous une autre forme. Ainsi, le 25 mai 2017, a-t-il répondu à l’invitation du Kirchentag, un grand rassemblement socio-religieux et socio-culturel organisé, tous les deux ans, à l’instigation de l’Eglise protestante allemande (1), cette année en rapport avec le 500 ème anniversaire du commencement de la Réforme sous l’impulsion de Martin Luther.

 

 

Très populaire en Allemagne, Barack Obama a été accueilli par une foule enthousiaste où les jeunes étaient très nombreux. Il s’est exprimé de pair avec Angela Merkel. Après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et tout ce que cela représente de régression politique et sociale, Barack Obama avait prononcé à Athènes un remarquable discours sur le sens de la démocratie (2), puis il avait rencontré à Berlin Angela Markel, une partenaire politique estimée comme si il voulait l’encourager à assurer la défense des valeurs démocratiques dans un monde perturbé par une vague de peur et d’enfermement. Le revoilà donc à Berlin ce mois de mai dans une Europe affermie dans son existence démocratique par l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron (4) auquel Barack Obama avait fait part de son soutien.

Lors de ses déplacements comme président des Etats-Unis dans les grands ensembles continentaux (Asie, Amérique latine, Afrique….), Barack Obama s’adressait aux jeunes leaders de ces ensembles pour les encourager dans leur action pour le développement et la démocratie dans une ambiance simple et conviviale. On pouvait y apprécier une attitude quasi fraternelle (3). Aujourd’hui, à partir de son expérience politique, il veut poursuivre ces échanges pour encourager une jeune génération à prendre ses responsabilités. Lors de la rencontre au Kirchentag, il a rappelé son engagement à cette jeune génération particulièrement présente dans ce rassemblement.

Dans une vision chrétienne caractérisée par une tonalité d’espérance et d’ouverture (5), dans une analyse des problèmes d’un monde dont il connaît bien le fonctionnement, Barack Obama nous permet de mieux nous situer à l’échelle des grandes questions qui nous concernent tous aujourd’hui. Une vidéo nous rapporte son intervention en dialogue avec Angela Merkel et ses interlocuteurs allemands dans une ambiance chaleureuse qui se marque sur les visages des participants (6). Nous présentons ici des extraits de cette intervention.

 

Un idéal à partager

Barack Obama rappelle que sa vie publique a commencé en travaillant avec les églises dans les quartiers pauvres de Chicago. «  Lorsqu’on veut créer un monde meilleur, cela requiert de regarder vers un but et d’avancer avec foi (sense of purpose and sense of faith). Nous avons besoin de croire que nous pouvons entrer en relation avec les gens avec de la gentillesse et de la tolérance et que nous pouvons gérer les différences entre les nations, entre les religions. Nous trouvons une unité dans la croyance en Dieu. Ce sont ces convictions qui m’ont porté dans mon travail et dans ma vie et je suis très encouragé en voyant autant de jeunes aujourd’hui ».

La jeune génération est une force montante. « A une époque où le monde  est un lieu très compliqué, où nous sommes bouleversé par une violence terrible, telle qu’elle vient de se manifester à Manchester, nous savons que le terrorisme est un grand danger, car il y a des gens qui veulent faire du mal aux autres simplement parce qu’ils sont différents d’eux. Mais cette époque est aussi une période de grande opportunité. Maintenant que je ne suis plus président, mais néanmoins en situation d’influence, je pense être en capacité d’aider de plus en plus de jeunes à faire face à ces défis. Je veux encourager une nouvelle génération dans l’exercice d’un leadership de manière à marginaliser ceux qui veulent nous diviser et à rassembler de plus en plus de gens pour réaliser un bien commun.

 

Une tâche à poursuivre.

Pendant huit ans, Barack Obama a été président des Etats-Unis. Comment a-t-il exercé son action dans cette haute fonction ? « Je suis très fier du travail que j’ai effectué en étant président. Quand vous entrez dans la vie publique, vous devez reconnaître que vous ne réaliserez jamais 100%  de ce que vous souhaiteriez. Ce que vous devez essayer de faire, c’est travailler avec d’autres qui partagent les mêmes valeurs, la même vision, pour essayer de rendre les choses meilleures en sachant que vous n’atteindrez pas la perfection ». Barack Obama cite en exemple la  réforme de l’accès aus soins médicaux (« Obamacare »). 20 millions de personnes nouvelles ont bénéficié de cette réforme, mais nous n’avons pas réussi à couvrir 100% de la population et aujourd’hui. Après mon départ, la réforme est remise en question ».

Le progrès se réalise pas à pas, avec parfois des reculs provisoires. Au delà du court terme, il faut voir à plus long terme . Il y a des étapes. Barack Obama estime qu’après avoir accompli sa tâche, avec ses imperfections, il est bon de passer la relève à une génération plus jeune. « Chaque génération a une contribution à apporter. En considérant ce qui est arrivé pendant ma vie, malgré toutes les tragédies actuelles, le monde n’a jamais été plus riche, en meilleure santé, mieux éduqué. Les jeunes aujourd’hui ont accès à une information et à des opportunités qui étaient inconnues à l’époque où je suis né. Mais la poursuite du progrès dépend de la jeune génération. Je me donne pour but de l’aider ».

 

Quel ordre international ?

L’ordre international est à un tournant. C’est un moment important pour la communauté internationale. Je suis né en 1961. A l’époque, Berlin était divisé. Nous venions tout juste de sortir d’une guerre dévastatrice. Les dictatures régnaient dans une grande partie du monde.  Certains pays commençaient seulement à sortir du colonialisme. L’apartheid prévalait en Afrique du Sud. Pourtant, à cause d’un ensemble d’idéaux et de principes : le règne du droit, la dignité de l’individu, la liberté de religion, la liberté de la presse, une économie libérale basée sur le marché, à cause de ces principes qui ont prévalu en Europe et aux Etats-Unis et dans d’autres pays qui se sont joint à eux en ce sens, nous avons vu un progrès incroyable. En Europe, il n’y a jamais eu plus grande prospérité et plus grande paix que dans ces trois ou quatre dernières décennies. C’est une remarquable réalisation. Et parfois les jeunes la considèrent comme allant de soi. Mais aujourd’hui, nous devons reconnaître qu’à cause de la mondialisation et de la technologie, et de la disruption que cela entraine, à cause des inégalités qui existent entre les nations et à l’intérieur des pays, à cause de l’inquiétude en lien avec le rétrécissement du monde à l’ère de la communication internet, à cause de la crise des réfugiés, cet ordre international qui a été créé et existe aujourd’hui, devrait changer, être remis à jour, être renouvelé, parce que nous sommes confrontés aujourd’hui à un récit concurrent empreint de peur, de xénophobie, de nationalisme, d’intolérance, de tendances anti-démocratiques. Comme citoyen des Etats-Unis et membre de la communauté mondiale, je pense qu’il est très important que nous soutenions les valeurs et les idéaux qui sont les meilleurs et que nous repoussions les tendances qui violent les droits humains, suppriment la démocratie ou réduisent la liberté de conscience et la liberté religieuse. C’est une bataille significative que nous devons mener et elle n’est pas toujours facile ». Barack Obama cite alors l’exemple de la Syrie avec toute la désolation qui règne dans ce pays. On ne peut se désintéresser de ce qui arrive dans une autre partie du monde. « Nous devons reconnaître que ce qui arrive dans une autre partie du monde  ou dans des pays isolés, que ce soit en Afrique, en Asie, en Amérique latine, a un impact sur nous et que nous sommes appelés à nous engager pour aider ces pays à trouver la paix et la prospérité. Comme président des Etats-Unis, j’ai fait de mon mieux même si je n’ai pas toujours eu les outils pour le faire. Mais du moins j’ai essayé. Et lorsque nous persévérons, il peut arriver dans ces situations  ce que le président Abraham Lincoln a évoqué : « Les anges les meilleurs de notre nature peuvent s’éveiller »

 

Comment aider les réfugiés ?

L’Allemagne a été confronté récemment à un afflux de réfugiés et ce problème a été affronté avec beaucoup de courage par la chancelière Angela Merkel. Barack Obama a donc été interrogé sur cette question. « En fonction de la géographie, de la présence des océans, nous n’avons pas eu un aussi grand nombre de réfugiés venant de Syrie ou d’Afghanistan. Mais il y a aux Etats-Unis, une immigration importante venant du Mexique et, plus récemment, d’Amérique centrale et d’Amérique latine. Et comme président des Etats-Unis, j’ai été confronté à ce problème.

Aux yeux de Dieu, un enfant, de l’autre côté de la frontière, est aussi digne d’amour et de compassion que mon propre enfant. Nous ne pouvons les distinguer en terme de valeur et de dignité, et tous méritent amour, abri, éducation et opportunité . Mais lorsque nous sommes à la tête de grands états nationaux et  que nous avons une responsabilité  vis à vis de nos citoyens et des gens à l’intérieur de nos frontières, alors le travail du gouvernement est d’exprimer humanité, compassion et solidarité avec ceux qui sont dans le besoin, mais aussi de reconnaître que nous devons agir  dans le cadre de contraintes légales, de contraintes institutionnelles et des obligations vis à vis des citoyens des pays que nous servons. Et ce n’est pas toujours facile.  Un moyen de faire du meilleur travail est de créer plus d’opportunité pour les gens dans leur propre pays. C’est donc un défi de faire comprendre à nos concitoyens que lorsque nous suscitons du développement en Afrique, ou que nous sommes impliqués dans une résolution de conflits ou dans des endroits où il y a une guerre, lorsque nous faisons des investissements pour faire face au changement climatique et aux problèmes que ce changement entraîne pour les agriculteurs, nous ne faisons pas tout cela simplement par charité, parce que c’est une bonne chose d’agir avec gentillesse, mais aussi parce que si il y a une disruption dans ces pays, si il y a un conflit, si il y a une mauvaise gouvernance, si il y a une guerre, si il y a de la pauvreté, alors dans ce nouveau monde où nous vivons, nous ne pouvons pas nous isoler, nous cacher derrière un mur. Il est très important pour nous de voir que ces investissements contribuent à notre propre bien être et sécurité.

 

Les religions et la vie politique

Quel rapport entre les religions et la vie politique ? Barack Obama s’exprime à partir de l’exemple américain. « Les Etats-Unis sont un pays très religieux et je pense que c’est une grande source de force. Mais, pour une part, historiquement, ce dynamisme est lié à la séparation entre l’Etat et l’Eglise qui a été envisagée comme une protection des communautés de foi pour qu’elles puissent pratiquer librement ». Comment le rapport entre religions et vie politique peut-il s’exercer au mieux ? « Nous avons besoin de reconnaître que, dans toute démocratie, il y a des gens engagés dans des religions très différentes. Et la démocratie requiert des compromis. Quand nous évoquons la foi religieuse, par définition, il y a certains points où nous ne faisons pas de compromis. Et je pense que nous faisons parfois fausse route en introduisant ce refus de compromis dans le processus politique ».

Barack Obama appelle au respect et à la gestion de la diversité. « Si nous sommes probablement une nation chrétienne, nous sommes aussi une nation musulmane, une nation hindoue, une nation juive et une nation de non croyants. Mais nous pouvons trouver des conceptions et des principes moraux qui nous relient ensemble et nous rencontrer sur ce consensus qui nous permet de progresser ensemble.

Même dans notre propre famille religieuse, il y a certains points où nous pouvons être en désaccord. Parfois cela peut nous troubler. Personnellement, dans ma propre foi, je pense qu’il est utile d’accepter un petit bout de doute. Nous croyons en des réalités qui ne sont pas visibles et, en conséquence, j’essaie d’être humble. Je ne prétend pas que Dieu parle exclusivement à travers moi. J’assume que Dieu partage de la sagesse dans tous les gens. Si je suis convaincu que j’ai toujours raison, la conclusion logique se traduit parfois en une grande cruauté et une grande violence. Dans un monde pluraliste, dans un monde où il y a des gens différents venant de diverses traditions religieuses, cherchons à réaliser que nous sommes, les uns et les autres, partie de la vérité ».

 

La foi : une motivation

« Je pense aux défis auxquels nous devons faire. Si notre réponse n’est pas parfaite et s’élabore à travers l’action et la réflexion, elle est motivée par notre foi et les valeurs et les idéaux qui sont les plus importants pour nous. Nous devrions être prêts à risquer quelque chose pour la cause à laquelle nous tenons. Nous devrions être prêts à contester une pratique traditionnelle. Aux Etats-Unis, ce sont des gens de foi qui, les premiers, ont parlé contre l’esclavage. Cela appelait une juste colère contre une institution qui semblait ressortir de l’ordre naturel. C’était un mouvement radical qui a élevé la conscience du peuple et qui a conduit une longue marche vers la liberté. Ainsi nous sommes appelé à agir selon ce que nous croyons vrai et juste. Lorsque nous agissons ainsi, ma seule suggestion, c’est de nous rappeler que Dieu ne parle pas seulement à nous. Pour moi, la force de notre foi trouve sa confirmation lorsque nous acceptons de nous engager avec des gens ayant des vues différentes et d’être prêts à les écouter et à les considérer ». L’avancée peut prendre du temps. L’important, c’est de persévérer même quand c’est difficile.

 

Les grandes questions

Quelles sont les grandes questions qui concernent la politique internationale, Barack Obama énonce deux questions. La première est relative au développement. La seconde concerne les budgets militaires.

 

« L’écart croissant entre les opportunités, les inégalités de plus en plus grandes entre les nations et à l’intérieur des nations, voilà une des questions majeures que cette génération et les prochaines générations auront à affronter. Le volume de richesse, d’opportunité et de consommation qui existe au sommet, en comparaison avec les besoins énormes qui existent dans le monde, est une situation que je trouve insupportable.

Il y a assez pour nourrir chacun, pour loger et vêtir chacun, pour éduquer chacun si nous sommes capables de mettre en route un processus social qui reflète nos valeurs. Ce n’est pas facile à faire. Ce n’est pas simplement faire un chèque et envoyer de l’argent. C’est créer une société qui parvienne à se suffire à elle-même et manifeste de la détermination et de la dignité. C’est pourquoi  quand nous examinons un budget pour une aide au développement, nous nous centrons sur la manière non pas de donner simplement du poisson, mais d’apprendre à le pêcher. Nous voulons aussi nous assurer que la gouvernance cherche à promouvoir les intérêts de gens à la base.          Cependant, on doit se rendre compte des énormes progrès qui ont été réalisés, même dans la durée limitée de mon existence. Juste dans les dernières décennies, il y a eu des centaines de millions de gens qui sont sortis de l’extrême pauvreté, en Chine, en Inde, dans certaines parties de l’Afrique. Il y a beaucoup à faire, mais il encourageant de voir tout ce qui a été déjà fait ».

 

Il y a une autre grande question. Elle concerne les budgets militaires. « Ce que j’aurais aimé voir, par exemple, c’est l’ultime élimination des armes nucléaires de cette planète. Absolument !  Un moment, nous sommes parvenus quelque peu à réduire les armements nucléaires russes et américains. Cependant, de la même façon qu’il a fallu du temps pour sortir des gens de la pauvreté, réduire le besoin de budgets militaires demandera un effort long et persévérant. Il est vrai que nous vivons dans un monde dangereux ». Barack Obama cite l’exemple de l’Afrique où les Etats-Unis sont appelés à intervenir pour rétablir la paix et assurer la sécurité des organisations humanitaires. Il montre aussi combien les conflits militaires sont souvent en rapport avec des problèmes de développement. Ainsi, « notre budget national de sécurité ne devrait pas être conçu uniquement en terme d’armements, mais aussi en terme de développement, en terme de diplomatie, en terme de soutien à l’éducation des filles et des paysans ».

 

A un carrefour de l’histoire

A ce moment de l’histoire, l’Occident semble traversé par deux tendances adverses. D’un côté, animée par le rêve d’une grandeur passée, inquiète par rapport aux changements économiques, sociaux , culturels, une tendance qui préconise un retour en arrière, un repli sur soi, le renvoi des migrants, un rejet de la solidarité internationale. En regard, un mouvement engagé de longue date, mais qui aujourd’hui prend de l’ampleur : une coopération internationale croissante tant économique que sociale et culturelle, la prise de conscience d’une unité du monde dans la construction d’une civilisation nouvelle attentive aux droits humains, une solidarité accrue face à des menaces internes et externes comme le maintien ou la progression des inégalités ou le réchauffement climatique. Si la description de ces deux tendances opposées est quelque peu sommaire, voire caricaturale, il y a là néanmoins le cadre d’une forte tension marquée en 2016 par des succès importants remportés par la tendance régressive au cœur même de l’Occident : la victoire du Brexit en Grande-Bretagne, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.

Pendant ses deux mandats présidentiels, Barack Obama a conduit les Etats-Unis dans la voie de l’ouverture, de la solidarité internationale, du respect des minorités, d’une progression d’un mieux être social, du progrès écologique. Il a mené cette lutte dans un esprit de respect vis à vis des personnes, une attitude empathique et chaleureuse induisant un consensus. Dans cette tâche difficile, il a été porté par une inspiration chrétienne ouverte. Sa présence au Kirchentag en mai 2017 nous paraît ainsi particulièrement significative. Barack Obama exprime le mouvement pour un monde plus solidaire et plus respectueux des personnes, un mouvement tourné vers l’avenir et non vers le passé. Il s’adresse tout particulièrement à la jeune génération qui est en train de grandir sur les différents continents.

Quelques jours auparavant, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République Française témoignait de la victoire d’une tendance « progressiste » qui marquait une inflexion majeure dans la conjoncture internationale en marquant un coup d’arrêt par rapport à la tendance préconisant le repli, le rejet, le dissociation. Ainsi, Barack Obama a pu intervenir dans un contexte où, à nouveau, on pouvait entrevoir un horizon d’ouverture. Au cœur de l’Europe, à Berlin, ce dialogue a témoigné d’une espérance qui, dans le contexte du Kirchentag, s’exprimait dans une ambiance de fraternité chrétienne.  Barack Obama nous aide ici à voir quels sont actuellement les grands enjeux politiques et de quelle manière on peut les aborder. Il nous permet de dépasser nos ressentis immédiats pour nous situer dans la durée. Le processus démocratique nous permet d’avancer vers de meilleures solutions, mais il inclut aussi des reculs. Barack Obama nous appelle à un engagement patient et persévérant. Nous partageons ici ce que nous percevons à travers la vidéo de cette rencontre : une conviction, une pensée ouverte et prospective, une convivialité fraternelle.

 

J H

 

(1) Présentation du Kirchentag sur « Free Wikipedia » : « le « Deutscher Evangelischer Kirchentag » est une assemblée de membres laïcs de l’Eglise Evangélique allemande qui organise un rassemblement biaannuel concernant la foi, la culture et la politique ».

https://en.wikipedia.org/wiki/German_Evangelical_Church_Assembly

Du 24 au 28 mai 2017, le Kirchentag a célébré le 500è anniversaire de la Réforme dans une grande manifestation « joyeuse, diverse et multiculturelle »      («  Réforme »). Un compte-rendu sur le site du Centre d’information sur l’Allemagne : http://www.allemagne.diplo.de/Vertretung/frankreich-dz/fr/__pr/nq/2017-05/2017-05-30-kirchentag-protestant-pm.html?archive=4908386  L’hebdomadaire « Réforme » (1er juin 2017) a consacré une double page (p 4-5) à cet événement marquant qui, à travers une forte participation jeune et internationale, témoigne de la vitalité d’une foi chrétienne au sein du monde d’aujourd’hui. Dans un article intitulé « La foi visible », Jean-Paul Willaime écrit ainsi : « Le fait que deux éminentes personnalités politiques protestantes : l’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama et la chancelière Angela Merkel aient accepté de discuter de démocratie et d’engagement à Berlin au 36è Kirchentag… constitue incontestablement un événement »

(2) Discours de Barack Obama sur la démocratie (Athènes. (le 16 novembre 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=xKirW7AQ2oo

Dans une perspective historique et à partir de son expérience, Barack Obama nous apporte ici un enseignement majeur sur les vertus et les problèmes de la démocratie aujourd’hui : https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2016/11/16/remarks-president-obama-stavros-niarchos-foundation-cultural-center

(3) Lors de ses déplacements internationaux, Barack Obama s’adresse fréquemment aux « leaders » des régions visitées dans des rencontres caractérisées par un dialogue dynamique et convivial. Deux exemples : Asie du Sud Est : https://www.youtube.com/watch?v=j3GuzhWdiiI

Argentine et Amérique Latine :

https://www.youtube.com/watch?v=zbq2gmYq780

(4) On peut percevoir des analogies entre Barack Obama et Emmanuel Macron dans une approche dialoguante et inclusive. Emmanuel Macron nous dit avoir beaucoup reçu du philosophe français, Paul Ricoeur : https://le1hebdo.fr/journal/numero/64/j-ai-rencontr-paul-ricoeur-qui-m-a-rduqu-sur-le-plan-philosophique-1067.html

(5) L’inspiration chrétienne chez Barack Obama :

« De Martin Luther King à Barack Obama » : https://vivreetesperer.com/?p=2065

« La rencontre entre Barack Obama et le pape François » :

https://vivreetesperer.com/?p=2192

« La prière dans la vie de Barack Obama » :

https://vivreetesperer.com/?p=2326

(6) Barack Obama and Angela Merkel speak at Kirchentag in Berlin. Vidéo principalement à partir de laquelle nous avons travaillé pour présenter des extraits adaptés en français. Nous renvoyons à cette vidéo qui apporte non seulement la parole dans son extension, mais aussi l’expression des participants  à travers leurs visages.

https://www.youtube.com/watch?v=ZV6yjj50lGc

Autres versions : https://www.youtube.com/watch?v=PXrmmVMnUg4

https://www.youtube.com/watch?v=qEFi0UKeGE8

Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode ?

 La montée de l’empathie. 

14937267872_SHUM293_258Empathie est un terme de plus en plus fréquemment employé. Sciences Humaines, dans son numéro de juin 2017, nous offre un dossier sur l’empathie (1).

« L’empathie est une notion désignant la compréhension des sentiments et des émotions d’un autre individu, voire, dans un sens plus général de ses états non émotionnels, de ses croyances. En langage courant, ce phénomène est souvent rendu par l’expression : « se mettre à la place de l’autre ». Cette compréhension se traduit par un décentrement, et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé par l’empathie. Dans l’étude des relations interindividuelles, l’empathie est donc différente des notions de sympathie, de compassion, d’altruisme qui peuvent en résulter ». Cette définition de Wikipedia (2) converge avec les significations dégagées par Sciences Humaines : « L’empathie cognitives consiste à comprendre les pensées et intentions d’autrui… L’empathie affective est la capacité de comprendre, non pas les pensées, mais les émotions d’autrui…L’empathie compassionnelle est l’autre nom de la sollicitude. Elle ne consiste pas simplement à constater la souffrance ou la joie d’autrui, mais suppose une attitude bienveillante à son égard ». Ainsi, en regard d’un individualisme égocentré, l’empathie fonde une relation attentionnée à autrui : « Se mettre à la place des autres ». Elle débouche sur la sollicitude, sur la bienveillance, sur la sympathie. C’est une capacité qui nourrit les relations humaines.

 

La montée de l’empathie

Pour qui perçoit les expressions de ceux qui s’intéressent à la vie humaine et à sa signification, à la fois sur le Web et dans la littérature courante, il apparaît que le terme : empathie est de plus en plus employé. Et on observe la même évolution positive pour un terme comme : bienveillance. On ressent là un changement d’attitude, une évolution dans les représentations comme si un nouveau paradigme émergeait peu à peu dans la vie sociale. A une époque troublée comme la notre, où les menaces abondent, où la violence s’exprime de diverses manières, notamment sur le Web, n’y aurait-il pas là une tendance à long terme qui soit pour nous une source d’encouragement et d’espoir. Dans ce dossier de Sciences Humaines, un article introductif de Jean-François Dortier : « Empathie et bienveillance, révolution ou effet de mode ? », nous aide à y voir plus clair (3).

« Comment un mot quasi inconnu, il y a un demi-siècle, a pris autant d’importance en si peu de temps ? Ce succès du mot en dit long tant sur la façon de penser les rapports humains que sur nos attentes dans ce domaine ». Jean-François Dortier nous présente ainsi un graphique très évocateur sur l’usage du mot « empathie » dans les livres de langue française de 1950 à aujourd’hui. En lente progression durant les décennies 1960, 1970 et 1980, l’usage grimpe en flèche dans les décennies 1990 et 2000.

De fait, cette progression est d’autant plus puissante  que la recherche sur ce thème et l’intérêt qu’il éveille, s’exerce dans une grande variété de champs. «  Dans le monde animal, l’éthologue Franz de Waal se taille de beaux succès avec ses ouvrages sur l’empathie chez les primates… Dans le règne animal, la solidarité est omniprésente… Chez le petit humain, l’empathie joue un rôle fondamental dès la naissance… ». Et cette disposition est nécessaire dans tout le processus d’éducation. Mais, plus généralement, « l’empathie est devenue un enjeu humain majeur pour comprendre les humains et construire le « vivre ensemble ». Au travail, à l’école, à l’hôpital, et même en politique (4), l’empathie et son corollaire la bienveillance sont sollicitées pour rendre les collectifs humains plus viables ». Il peut y avoir des difficultés et des oppositions, mais progressivement secteur après secteur, la bienveillance gagne du terrain. Ainsi, à la fin du XXè siècle, elle s’impose dans la théorie et la pratique du « care ». Elle va de pair avec l’apparition de la « communication non violente » et l’essor de la psychologie positive au début du XXIè siècle. Et comme en traite deux articles dans ce dossier, elle inspire de plus en plus l’éducation et pénètre dans la gestion des entreprises. A cet égard, nous avons rendu compte sur ce blog du livre phare de Jacques Lecomte : « Les entreprises humanistes. Comment elles vont changer le monde » (5). Par ailleurs, la progression de l’empathie dans les mentalités se réalise à l’échelle internationale comme le montre l’économiste et philosophe américain, Jérémie Rifkin, dans un livre de synthèse : « The empathic civilization. The rise to global consciousness in a world in crisis » (2009) traduit en français sous le titre : Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie » (6).

 

Un changement de regard

Face à une vision pessimiste de l’homme qui enferme celui-ci dans le mal et la violence, une vision qui remonte loin dans le temps et s’est appuyée sur des conceptions religieuses et philosophiques (7),

à l’encontre, un puissant mouvement est apparu et met l’accent sur la positivité. Il se manifeste à la fois dans les idées et dans les pratiques. En février 2011, déjà, Sciences Humaines avait publié un dossier : « Retour de la solidarité : empathie, altruisme, entraide » (8). Et Martine Fournier, coordinatrice de ce dossier, pouvait écrire : « L’empathie et la solidarité seraient-elles devenues un paradigme dominant qui traverse les représentations collectives ? De l’individualisme et du libéralisme triomphant passerait-on à une vision portant sur l’attention aux autres ? Le basculement s’observe aussi bien dans le domaine des sciences humaines et sociales qu’à celles de la nature. Ainsi, alors que la théorie de l’évolution était massivement ancrée dans un paradigme darwinien « individualiste » centré sur la notion de compétition et de gêne égoïste, depuis quelques années un nouvel usage de la nature s’impose. La prise en compte des phénomènes de mutualisme, symbiose et coévolution entre organismes tend à montrer que l’entraide et la coopération seraient des conditions favorables de survie et d’évolution des espèces vivantes à toutes les étapes de la vie ».

Il y a là un changement de regard. Les découvertes elles-mêmes dépendent pour une part des questions posées, c’est à dire d’une nouvelle orientation d’esprit. Une transformation profonde de la manière de penser et de sentir est en cours. Cette transformation porte une signification spirituelle. Elle rompt avec des représentations anciennes. Elle s’inscrit dans un contexte d’universalisation où différentes traditions viennent apporter leur contribution. Pour notre part, nous nous référons à la « parabole du bon samaritain » rapportée dans l’Evangile de Luc (10.29-37). L’empathie compassionnelle s’y manifeste puissamment. « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à demi mort… » Passent deux religieux sans lui prêter attention. « Mais un samaritain qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit… Il prit soin de lui ». Dans un livre sur la philosophie de l’histoire : « Darwin, Bonaparte et le Samaritain », Michel Serres voit notre humanité en train de sortir d’un état de violence et de guerre dans lequel elle a été enfermée pendant des millénaires. Et si la paix commence à apparaître, Michel Serres voit dans la figure du Samaritain l’emblème de l’entraide et de la  bienveillance. Cette parole de Jésus a grandi et porté des fruits.

 

Empathie, bienveillance : l’audience de ces notions est-elle un effet de mode ou une révolution ? S’interroge Jean-François Dortier dans le titre de son article en introduction du récent dossier de Sciences Humaines. Dans les tempêtes de l’actualité, on perçoit et on déplore des pulsions de violence et d’agressivité. Mais, par delà, à une autre échelle de temps, on peut apercevoir un autre mouvement. Le montée de l’empathie et de la bienveillance nous parait plus qu’un effet de mode.  Lorsqu’on mesure l’ampleur et la pénétration de ce mouvement, on peut y voir une évolution en cours des mentalités.

 

J H

 

(1)            Dossier : Les pouvoirs de l’empathie, p 24-45. Sciences Humaines, juin 2017

(2)            Empathie : Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Empathie

(3)            Jean-François Dortier. Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode ? Sciences Humaines, juin 2017, p 26-31

(4)            Pour la première fois à notre connaissance, la bienveillance est apparue en politique. Ce fut dans la campagne présidentielle en marche d’Emmanuel Macron. Edouard Tétreau nous fait part de cette réalité dans un article des Echos : « Les leçons de la start Up Macron » (15 mai 2017) : « Leçon numéro 3 : cette réussite tient aussi – surtout ? – à un mot et une réalité bien rarement vue et entendue dans ma génération et les précédentes, dans le monde du travail en France. Ce mot et cette réalité s’appellent la bienveillance. En jetant les bases de son mouvement et de son pari, Emmanuel Macron a exigé, et obtenu, de ses plus proches collaborateurs, cette qualité-là. La bienveillance entre eux, et vers l’extérieur. Les cyniques du XXème siècle, ceux qui n’ont rien compris au film de ces dernières semaines, doivent s’esclaffer à l’évocation de ce mot, signifiant le « sentiment par lequel on veut du bien à quelqu’un ». La bienveillance n’est pas la faiblesse, ou la gentillesse façon Bisounours. Elle est l’apanage des forts, qui choisissent de mettre de côté leurs petits intérêts privés pour se mettre au service de l’intérêt général. Les médiocres ne pouvant s’occuper que d’eux-mêmes ».

(5)            Jacques Lecomte. Les entreprises humanistes. Les Arènes, 2016. Mise en perspective sur ce blog : « Vers un nouveau climat de travail dans une entreprise humaniste et conviviale » : https://vivreetesperer.com/?p=2318

(6)            Jérémie Rifkin. Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie. Les Liens qui Libèrent, 2011. Mise en perspective sur le site de Témoins : « A propos du livre de Jérémie Rifkin » : http://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

(7)            Ce regard négatif sur l’homme a été lié à une conception écrasante du péché originel. Voir à ce sujet : Lytta Basset. Oser la bienveillance. Albin Michel, 2014  Voir sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=1842 Un autre facteur a été le Darwinisme social associé à une conception matérialiste. Voir le chapitre : « The theory of evolution and christian theology : from « the war of nature » to natural cooperation and from « the struggle for existence » to mutual recognition » p 209-223, dans : Jürgen Moltmann. Sun of righteousness, arise ! God’s future for humanity and the Earth. Fortress Press, 2010

(8)            Le retour de la solidarité. Dossier animé par Martine Fournier. Sciences humaines, février 2011. Mise en perspective sur ce blog : « Quel regard sur la société et sur le monde ? » : https://vivreetesperer.com/?p=191

(9)            Michel Serres. Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire. Le pommier, 2016. Sur ce blog, mise en perspective : « Au sortir de massacres séculaires, vers un âge doux portant la vie contre la mort » : https://vivreetesperer.com/?p=2479

 

Voir aussi :

« Pour un processus de dialogue en collectivité » : https://vivreetesperer.com/?p=2631

« Branché sur le beau, le bien, le bon » :

https://vivreetesperer.com/?p=2617

« Comment la bienveillance peut transformer nos relations :

https://vivreetesperer.com/?p=2400