Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient

 

Deux approches convergentes : Jürgen Moltmann et Diana Butler Bass

 

A partir d’une approche scientifique, technique ou sociale, on découvre de plus en plus aujourd’hui que nous vivons dans un univers en interaction, un univers où tout se tient. Pour certains, cela ne va pas de soi, car c’est une nouveauté qui bouleverse un héritage intellectuel ou religieux. Où est Dieu ? Ce mouvement appelle une réflexion théologique.

 

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La communauté de la création

 

Dans les années 1980 déjà, dans son livre : « Dieu dans la création » (1), Jürgen Moltmann pouvait écrire : « Si l’Esprit Saint est répandu sur toute la création, il fait de la communauté entre toutes les créatures avec Dieu et entre elles, cette communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu… L’existence, la vie et le réseau des relations réciproques ont lieu dans l’Esprit. « En Lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes des apôtres 1.28) (p 24)… Dieu le créateur du ciel et de la terre est présent par son Esprit cosmique dans chacune de ses créatures  et dans leur communauté créée. Dieu n’est pas seulement le créateur du monde, mais aussi l’Esprit de l’univers. Grace aux forces et aux possibilités de l’Esprit, le créateur demeure auprès de ses créatures, les vivifie, les maintient dans l’existence et les mène dans son royaume futur » (p 28). Dieu est à la fois transcendant et immanent.

 

 Le Dieu vivant

 

Aujourd’hui, dans la lignée de ses nombreux ouvrages (2), le nouveau livre de Jürgen Moltmann, publié par le Conseil Mondial des Eglises, s’intitule : « The living God and the fullness of life » (Le Dieu vivant et la plénitude de vie » (3). L’auteur s’adresse en premier à un public marqué par une culture moderne qui ferait appel à « des concepts humanistes et matérialistes » de la vie, une culture dans laquelle Dieu serait absent. Cette vie sans transcendance engendre un manque et induit ce que Moltmann appelle une « vie diminuée ».

Si une forme de christianisme a pu apparaître comme un renoncement à une vie pleinement vécue dans le monde, Moltmann nous présente au contraire un Dieu vivant qui suscite une plénitude de vie. Dieu n’est pas lointain. Il est présent et agissant. « Avec Christ, le Dieu vivant est venu sur cette terre pour que les humains puissent avoir la vie et l’avoir en abondance (Jean 10.10). Moltmann nous propose une spiritualité dans laquelle « la vie terrestre est sanctifiée » et qui se fonde sur la résurrection du Christ. Dans la dynamique de cette résurrection, « l’horizon de l’avenir, aujourd’hui assombri par le terrorisme, la menace nucléaire et la catastrophe environnementale, peut s’éclairer. Une lumière nouvelle est projetée sur le passé et ceux qui sont morts. La vie entre dans le présent pour qu’on puisse l’aimer et en jouir… Ce que je désire, écrit Moltmann, c’est de présenter ici une transcendance qui ne supprime, ni n’aliène notre vie présente, mais qui libère et donne vie, une transcendance par rapport à laquelle nous ne ressentions pas l’envie de lui tourner le dos, mais qui nous remplisse d’une joie de vivre » (p X-XI).

 

 Une vie divine

 

Jürgen Moltmann consacre un chapitre à la vie éternelle. Cette vie ne tourne pas le dos à la condition terrestre de l’homme, mais elle l’anime. Elle ne s’adresse pas à des individus qui seraient polarisés sur le salut de leur âme. Elle s’inscrit dans un univers interrelationnel. « L’être humain n’est pas un individu, mais un être social… Il meurt socialement lorsqu’il n’a pas de relations ». Ainsi, selon Moltmann, la vie éternelle s’inscrit dans trois dimensions : « Comme enfants de Dieu, les êtres humains vivent une vie divine. Comme parents et enfants, ils s’inscrivent dans la séquence des générations humaines. Comme créatures terrestres, ils vivent dans la communauté de la terre » (p 73). Dès lors, le chapitre s’articule en trois parties : « In the fellowship of the divine life » (Dans la communion de la vie divine) ; « In the fellowship of the living and of the dead » (Dans la communion entre les vivants et les morts) ; « In the fellowship of the earth » (dans la communion avec la terre).

« On entend dire que la vie sur terre n’est rien qu’une vie mortelle et finie. Dire cela, c’est accepter la domination de la mort sur la vie humaine. Alors cette vie est bien diminuée. Dans la communion avec le Dieu vivant, cette vie mortelle et finie, ici et maintenant, est une vie interconnectée, pénétrée par Dieu et ainsi, elle devient immédiatement une vie qui est divine et éternelle » (p 73). « La vie humaine est enveloppée et acceptée par le divin et le fini prend part à l’infini. La vie éternelle est ici et maintenant. Cette vie présente, joyeuse et douloureuse, aimée et souffrante, réussie ou non, est vie éternelle. Dans l’incarnation du Christ, Dieu accepté cette vie humaine. Il l’interpénètre, la réconcilie, la guérit et la qualifie pour l’immortalité. Nous ne vivons pas simplement une vie terrestre, ni seulement une vie humaine, mais nous vivons aussi simultanément une vie qui est remplie par Dieu, une vie dans l’abondance (Jean 10.10)… Ce n’est pas la foi humaine qui procure la vie éternelle. La vie éternelle est donnée par Dieu et elle est présente dans chaque vie humaine, mais c’est le croyant qui en a conscience. On la reconnaît objectivement et subjectivement, on l’intègre dans sa vie comme la vérité. La foi est une joie vécue dans la plénitude divine de cette vie. Cette participation à la vie divine présuppose deux mouvements qui traversent les frontières : l’incarnation de Dieu dans la vie humaine et la transcendance de cette vie humaine dans la vie divine… » (p 74).

 

Reconnaître Dieu dans le monde

 

Au contact de la vie des gens au plus près de leur expérience à travers ses rencontres, mais aussi à même d’interpréter les évolutions grâce à une culture d’historienne et de théologienne, Diana Butler Bass a publié, il y a quelques années, un livre intitulé « Christianity after religion » (4). Dans cet ouvrage, elle situe l’éveil spirituel (« spiritual awakening ») qui a lieu actuellement aux Etats-Unis, dans une rétrospective historique qui montre à la fois les continuités et les émergences. Diana Butler Bass vient de publier un nouveau livre intitulé : « Grounded.  Finding God in the world. A spiritual revolution » (5). « Ce qui apparaît comme un déclin  de la religion organisée indique en fait une transformation majeure dans la manière dont les gens comprennent Dieu et en font l’expérience. Le Dieu distant de la religion conventionnelle cède la place à un sens plus intime du sacré qui irrigue le monde. Ce glissement d’un Dieu vertical vers un Dieu qui se trouve à travers la nature et la communauté humaine est le cœur de la révolution spirituelle qui nous environne et qui interpelle non seulement les institutions religieuses, mais aussi les institutions politiques et sociales… Ce livre observe et rapporte un changement radical dans la manière dont beaucoup de gens situent Dieu et pratiquent leur foi. L’auteur invite ainsi les lecteurs à rejoindre cette révolution spirituelle en cours d’émergence, à trouver une expression revitalisée de la foi et à changer le monde » (6).

 

Dieu avec nous

 

Dans un article paru sur le blog du Hutchinson Post (7), Diana Butler Bass indique les grandes orientations de sa recherche.

« Où est Dieu ? Pendant des siècles, la plupart des religions ont enseigné que Dieu était au ciel et qu’il existait un univers à trois étages avec Dieu au sommet dans le ciel avec les anges, puis nous les hommes embrouillés sur la terre, et, en dessous de nous, Satan et les démons en enfer avec la menace d’une punition éternelle. Le ciel était très éloignés et le Dieu qui vivait là haut apparaissait comme une divinité inaccessible : Roi, Gouverneur, Maître, Juge et Père. Pour atteindre ce Dieu là, il y avait toute une gamme de médiateurs et de médiations… ». Jürgen Moltmann, lui aussi, a décrit la manière dont ce Dieu transcendant opérait en montrant combien cette représentation était en contradiction avec la vie et l’enseignement de Jésus.

Diana Butler Bass montre comment cette conception de la divinité a été remise en cause au cours des dernières décennies. Elle a suscité le développement de l’agnosticisme et de l’athéisme, mais globalement, la plupart des gens qui ont rompu avec les églises  continuent à croire en Dieu. En fait, « ce qu’ils rejettent, c’est une certaine conception de la divinité tandis que, dans le même mouvement, ils essaient de resituer Dieu dans leur vie… Où est Dieu ? Plus là-haut dans le ciel. Dieu est avec nous. Souvent inaperçue ou mal comprise par les commentateurs et même quelques leaders religieux, un glissement théologique est en train d’advenir parmi nous : une révolution dans la manifestation de la proximité divine… C’est un Dieu qui est totalement présent dans le chaos, la souffrance et la confusion qui nous environne, l’Esprit qui nous invite à sauver la planète et à faire la paix avec la famille humaine toute entière et qui est un compagnon et un partenaire pour créer un avenir rempli d’espérance. Le seul Dieu qui fait sens est un Dieu de compassion et d’empathie qui partage la vie du monde ».

 

La théologie de Jürgen Moltmann nous éclaire sur ce Dieu là. C’est un Dieu qui ne réside pas loin de nous, mais qui est engagé dans la création, engagé dans l’humanité. « Le message du Christ annonçant la résurrection et la vie, a libéré une puissance de vie parmi les premiers chrétiens, une force qui a rendu possible de nouveaux commencements et un changement qui a permis à des hommes et à des femmes de créer ce qui avait été jusque là inconnu. Je crois que cette force peut se déployer également dans le monde moderne et qu’elle porte en elle-même la plénitude de vie à laquelle beaucoup de gens aspirent. Ceux qui croient, ceux qui aiment, ceux qui espèrent, tirent leur force du Dieu vivant et, dans leur proximité avec Dieu, ils font l’expérience d’une vie dans sa plénitude » ( p IX).

 

Nous vivons dans une période de grandes mutations qui induit et appelle des changements profonds dans les mentalités. Parce que, depuis plusieurs décennies, Jürgen Moltmann est à l’écoute des aspirations et des questionnements des gens de notre époque, dans la mouvance de l’Esprit et une approche renouvelée de la Parole, il a développé une pensée théologique qui inspire notamment les chrétiens engagés dans le courant de l’Eglise émergente (8).

Diana Butler Bass participe, elle aussi, à la recherche d’une manière nouvelle de penser et de vivre la foi chrétienne. Dans son livre (p 277-278), elle nous raconte son cheminement ponctué par des conversions successives, d’abord à la vision protestante évangélique, puis à un christianisme libéral dans l’expression de l’Eglise épiscopale, et enfin, en 2001, la prise de conscience qu’il lui fallait dépasser la conception d’« un Dieu vertical ». « Ma troisième conversion n’a pas été le rejet de l’Eglise (comme l’expression vivante de Jésus dans le monde), ni celui du christianisme ou de la foi… Mon mouvement a été de quitter une conception verticale de Dieu et de me tourner vers un Dieu-avec-nous et une espérance dans une foi communautaire… ».

Dans ce monde en mutation, les parcours de foi sont divers. Mais, dans le même mouvement, des tendances communes apparaissent. La pensée théologique de Jürgen Moltmann fait appel à des apports de différents milieux chrétiens, comme, par exemple l’orthodoxie ou le pentecôtisme, et aussi du judaïsme. Et, dans le champ écologique, on note une convergente évidente entre la vision de Moltmann et celle du pape François (9) dont, en exergue de son livre, Diana Butler Bass cite un passage de son encyclique Laudato Si : « Tout est en relation, et nous êtres humains, nous sommes unis comme des frères et des sœurs en marche dans un merveilleux pèlerinage, entrelacés ensemble par l’amour que Dieu a pour chacun… et qui nous unit aussi dans une tendre affection pour notre frère soleil, notre sœur lune, notre frère rivière et notre mère terre ».

Oui, ensemble, nous voulons accueillir et suivre le Dieu vivant.

 

J H

 

(1)            Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988

(2)            On trouvera une introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com. Dans une autobiographie : « The broad place », Moltmann relate sa vie et l’évolution de son œuvre. Ce livre est présenté dans un article : « Une théologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

(3)            Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life. World Council of churches, 2016

(4)            Butler Bass (Diana). Christianity after religion. The end of the church and the birth of a new spiritual awakening. Harper one, 2012. Sur le site de Témoins, une mise en perspective : « La montée d’une nouvelle conscience spirituelle » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/la-montee-dune-nouvelle-conscience-spirituelle-dapres-le-livre-de-diana-butler-bass-l-christianity-after-religion-r

(5)            Butler Bass (Diana). Grounded. Finding God in the world. A spiritual evolution. Harper one, 2015. Ce livre est salué par des personnalités chrétiennes comme Brian Mc Laren, une des voix de l’Eglise émergente aux Etats-Unis : « Il n’y a rien de pire que de dormir lorsqu’il y a une révolution » écrit Diana Butler Bass. Ce livre nous aidera à nous éveiller. Il nous équipera pour être un participant enthousiaste dans ce que je crois être le mouvement le plus profond et le plus important qui prend forme à notre époque »

(6)            Présentation du livre en couverture

(7)            Sur le blog du Huff Post : « Where is God ? » par Diana Butler Bass : http://www.huffingtonpost.com/diana-butler-bass/grounded-where-is-god_b_8251022.html

(8)            « L’Eglise émergente en conversation avec Jürgen Moltmann. L’Eglise transformationnelle. Interview de Patrick Oden » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/leglise-emergente-en-conversation-avec-juergen-moltmann-leglise-transformationnelle-interview-de-patrick-oden

(9)            « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François, Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151

 

Sur le même sujet, sur le blog : Vivre et espérer :

« Une théologie pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1917

« Reconnaître la présence de Dieu à travers l’expérience » : https://vivreetesperer.com/?p=1008

« Vivre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/?p=757

Une aspiration communautaire portée par le numérique

# Un nouveau monde : l’ère numérique

Le monde change très rapidement. On est en train de passer d’un monde caractérisé par un engagement physique de l’homme à un monde numérique.  La génération Y est une expression de ce nouveau monde. De plus en plus, tout se fait sur le web : les achats, les opérations financières, le travail, … Cela commence à apparaître. Par exemple, moins de gens vont à la banque.

Par ailleurs, chaque objet devient de plus en plus connecté et se développe de plus en plus. Les voitures commencent à être connectées à leur environnement.  Dans la maison, le thermostat est connecté à notre téléphone pour le réglage du chauffage à  distance. Dans la santé, le médecin va bénéficier d’un suivi des informations concernant notre état physique depuis chez soi.

Le monde se numérise davantage.  Nous sommes impactés par ce changement . Cette transformation va beaucoup plus vite que nous le pensons. Certes, il faut veiller à prévenir une « fracture numérique », c’est à dire une incapacité de populations âgées ou défavorisées à entrer dans ce mouvement. En France, il y a souvent des résistances au départ, mais ensuite le changement va très vite. Par exemple, le téléphone portable est entré dans les mœurs en 5/6 ans après. La connexion des objets va s’accélérer dans les prochaines années. Elle sera omniprésente dans 4/5 ans. Récemment, je me suis rendu à un salon de start up. J’ai été très impressionné par la vitesse du changement. Quand j’ai vu cela, j’ai compris ce qui était en train de se passer. En France, il y a deux mondes : celui d’aujourd’hui et celui de demain.  Le monde de demain entre dans le monde d’aujourd’hui.

#Un développement de la vie relationnelle.

 #Si , dans un premier temps, les nouvelles pratiques se prêtent à l’individualisme, les gens ressentent les inconvénients de l’isolement physique.  Et des aspirations relationnelles se développent et se réalisent dans de nouvelles pratiques, dans de nouveaux comportements. L’économie collaborative a aujourd’hui un rôle moteur . C’est l’auto partage. (bla bla car, Uber). C’est un logement chez l’habitant lorsqu’on voyage (Couchsurfing, Airbnb). C’est la location d’outils. Ces pratiques sont source de revenus modiques. Elles développent la sociabilité. Dans tous les domaines, des réseaux se créent. Il  y a aussi un progrès de la personnalisation. On cherche à répondre aux besoins spécifiques d’un individu. Tout se fait pour des personnes . A la fin, j’aurai un objet qui sera unique. Le processus est accéléré par une innovation à très grande portée :  l’expansion de l’imprimante 3D . Par exemple dans ma banque, on me proposera une carte bancaire personnalisée sur place. Ce mouvement généralisé se traduit par le développement des réseaux, des communautés. La vie relationnelle se développe à  grande vitesse.

 #Discerner l’œuvre de Dieu.

#Certains perçoivent cette mutation avec crainte . Et effectivement, on peut mesurer les dérives et les dangers. Mais, nous devons nous rappeler que l’Esprit de Dieu est créateur et que Dieu continue à agir dans sa création.  Dans cette perspective, nous voyons l’œuvre de Dieu dans les découvertes des chercheurs. Lorsque deux synapses se connectent , du nouveau apparaît. C’est Dieu qui inspire les chercheurs et révèle à  travers eux des mystères qu’on ne connaissait pas. Dans ce mouvement, nous découvrons l’avenir de Dieu qui se manifeste à  nous.

 #De nouvelles communautés chrétiennes

 #La transformation numérique a donc un impact considérable sur le mode de vie.  Ce changement du mode de vie intervient dans tous les domaines. Et très naturellement, il implique de profonds changements dans la manière d’être et de faire église. Le besoin de relations vraies va en croissant. Aujourd’hui, plus qu’avant, nous ressentons le besoin de ne pas être seul . Mais il y a en même temps une attitude plus autonome, une exigence de respect. Internet est un moyen remarquable de communication qui permet de susciter de nouvelles opportunités et des nouveaux lieux de rencontre. C’est donc une voie ouverte qui permet l’apparition de nouveaux groupes de partage, de communautés nouvelles dans une perspective de réseau. Le monde change. Dieu nous appelle à l’écoute.

#Propos recueillis auprès de Faubert Pélage

Ingénieur dans les nouvelles technologies

#Sur ce blog, voir aussi :

« L’ère numérique. Gilles Babinet, un guide pour entrer dans ce nouveau monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1812

« Une révolution en éducation. L’impact d’internet pour un nouveau paradigme en éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1565

« Une nouvelle manière d’être et de connaître. « Petite Poucette » de Michel Serres : https://vivreetesperer.com/?p=820

Entraidons-nous en réseau !

Hélène est professeur. Elle me rapporte les difficultés vécues par une de ses collègues.

Jeune « prof », Isabelle vient d’arriver dans un établissement expérimental qui se veut exigeant. Quelque part, elle ne se trouve pas soutenue. En tout cas, elle se trouve en situation difficile en raison d’un problème de santé. Il y a quelques mois : extinction de voix et laryngite : traitement classique avec antibiotiques, congé de maladie. Rétablissement, puis rechute.  Même traitement…et puis encore rechute…Dans ce contexte, sa vie professionnelle est contrariée, sinon compromise.

Hélène est amicale et attentive. Elle encourage Isabelle. Elle cherche à l’aider. Elle sait que sa situation n’est pas facile et qu’elle donne même une occasion à tel ou tel collègue de manifester, à son égard, une forme d’agressivité. Elle ne serait pas à la hauteur ! La présence amicale d’Hélène soutient Isabelle.

Et pourtant, Hélène se rend compte  des limites de son aide. En effet, les problèmes de santé que rencontre Isabelle peuvent être envisagés dans différentes dimensions : physique, psychologique, spirituelle. Ils sont liés à un environnement.

D’après de nombreux exemples rapportés aujourd’hui par la presse, on sait combien le stress peut aujourd’hui se manifester dans des situations de travail. L’individu est soumis à de fortes attentes auxquelles il n’est pas toujours capable de faire face. C’est dire la responsabilité de l’encadrement. Qu’en est-il dans l’Education Nationale ?

Il y a aussi une responsabilité de la médecine classique. Trop souvent, elle s’arrête au symptôme et cherche uniquement à y remédier. Une pathologie : un médicament. On oublie la dimension globale de l’organisme. Dans un livre récent sur « la médecine personnalisée » (1), les auteurs donnent un bon exemple : des otites à répétition chez un jeune enfant.  Le médecin soigne l’oreille, mais cela ne suffit pas, car la congestion est en lien avec l’état général. On a besoin d’une médecine « holistique », intégrative. Et puis, il y aussi la dimension psychosomatique des troubles de santé. Est-elle vraiment prise en compte ?

Il y a également un lien entre affect psychologique et vie spirituelle. Comme chrétienne, Hélène sait combien la relation avec une présence aimante de Dieu change notre attitude. A maintes reprises, elle a expérimenté l’aide reçue en réponse à la prière. Aujourd’hui, beaucoup de gens ne sont pas « religieux », mais ils sont en chemin, en attente de découvertes spirituelles. Directement ou indirectement, ils peuvent entendre le témoignage d’Hélène. Mais comment aller plus loin ? Dans quel environnement social, peuvent ils être accueillis dan une vraie convivialité, dans le respect et en toute liberté ? Hélène se rend compte que, dans bien des communautés, les mentalités restent encore très étroites. Et, par exemple, si Isabelle vit en couple avec un compagnon, dans une démarche commune d’amour réciproque, cette situation échappe à la compréhension de certains milieux pour lesquels seul le mariage classique est légitime. Comment pourrait-elle être accueillie dans une communauté de ce type !

 

Nous vivons dans un monde en pleine mutation culturelle. Dans beaucoup de domaines, les institutions peinent à suivre. C’est ce qu’on peut entrevoir à travers la situation d’Isabelle.

 

Alors sur tous les plans, entraidons-nous et entraidons-nous en réseau ! Cherchons ensemble les réponses à nos besoins ! Partageons les bonnes ressources, les bonnes adresses, le recours aux personnes dignes de confiance

 

Qu’il en soit de même sur le plan de la vie chrétienne. « Faisons Eglise » en réseau ! Développons et partageons des expressions nouvelles de la vie en Christ (2). Accueillons-nous les uns les autres  en dehors de tout esprit de frontière ! Reconnaissons la dynamique de l’Esprit qui donne la vie ! (3)

 

JH

 

(1)            Lapraz (Dr Jean-Claude), Clermont-Tonnerre (Marie-Laure de). La médecine personnalisée. Retrouver et garder la santé. Odile Jacob, 2012. Sur ce blog : Médecine d’avenir. Médecine d’espoir.

(2)            On trouvera à ce sujet des réflexions et des témoignages sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/index.php… Par exemple : « Au milieu du tumulte de la ville «  http://www.temoins.com/innovations/interview-d-eve-soulain.html  et « l’expansion actuelle des « fresh expressions » http://www.temoins.com/innovations/l-expansion-actuelle-des-fresh-expressions-en-grande-bretagne-un-phenomene-impressionnant.html. Voir aussi sur ce blog : « Ensemble, en chemin (septembre 2011)

(3)            http://www.lespritquidonnelavie.com/

 

Dedans … Dehors ! … Un chemin de liberté

 

Témoignage et réflexion de Philippe Molla en dialogue avec le texte précédent : « Dedans…dehors ! Face à l’exclusion, vivre une commune humanité ».

 

 

Merci à Jean pour ce travail personnel si précieux pour moi !

 

Encore un texte qui respire la liberté !

Ces mots résonnent tellement en moi que j’éprouve le besoin d’écrire

quelques pensées personnelles :

 

C’est pour moi un appel à sortir de mes conceptions humaines de qui je

crois être, ce regard souvent faussé qui m’empêche d’aller vers

l’autre. Mon prochain que je catalogue si facilement par ce qui

« frappe l’oeil « . Ne suis-je  pas le prochain de mon prochain ?

 

J’ai tellement à apprendre de l’autre, d’une rencontre. Souvent l’homme se

plaint de ne pas trouver Dieu, peut-être par ce qu’il ne sort pas de

son enclos. Qui est notre maître, la crainte ou l’Amour ?

Qu’apprenons-nous dans notre milieu où nous nous construisons ?

Les différences de l’autre sont-elles une menace pour nous ? Ce  » qui

sommes nous ? » que nous avons construit, si fragile, faut-il  par tous

les moyens le protéger ? Pourquoi ?

 

À l’âge de 18 ans, je me sentais fort, bien construit. J’avais mes

réponses sur beaucoup de sujets. Cela me donnait beaucoup d’assurance

et une paix intérieur. Mes petites réponses toutes faites sur la vie,

la religion, sur Dieu, me faisaient croire que je détenais la vérité !

(et oui ! J’avais l’esprit bien étroit ! Comme si je pouvais détenir

Dieu, la vérité !)

 

Mais cette construction m’a inconsciemment isolé. Si l’autre avait

une conception de la vie très différente de la mienne, j’avais

tendance à le cataloguer et le classer par catégorie. J’avais appris

dans ma religion que l’autre était dehors et moi dedans. J’avais

appris à inviter mon prochain dans mon enclos, mon système de pensée

humain, ce que j’appelle « La pensée unique ».

Dans cette démarche aucune connexion profonde avec l’autre n’était

possible. Pourtant, cette connexion est si précieuse, elle n’exige

rien de l’autre, elle n’attend rien de l’autre. Cette connexion où

Dieu peut enfin se révéler parce qu’il est synonyme d’AMOUR!

 

 

Alors comment ai-je trouvé le chemin de la liberté, de l’amour, de la

guérison intérieur ?

A travers de vraies rencontres !

 

Ma rencontre avec ma femme Martine a progressivement révélé mon état

d’homme préfabriqué par la  société, par la religion. Notre amour et

sa patience m’ont beaucoup aidé.

 

A travers, d’autres rencontres aussi. En particulier, une rencontre

profonde avec un homme, qui m’a fait entrevoir ce qu’est un partage où

il n’y a pas de place pour le jugement, les préjugés… Et ensuite, il

n’y en eu beaucoup d’autres.

 

Dieu a permis que je passe par des tempêtes intérieurs, des problèmes

professionnels, la maladie… Ces épreuves m’ont fragilisé. Mais c’est

dans cet état de fragilité que de véritables rencontres ont surgies.

Où l’amour de Jésus-Christ s’est manifesté, apportant guérison,

changement de mentalité et reconstruction de l’être.

 

J’ai découvert que Dieu se cache dans notre prochain ! Nous Le

trouvons quand nous acceptons notre fragilité, notre vulnérabilité.

 

Jésus-Christ n’est pas venu en super héros, mais Il a choisi de

s’exposer. Il a accepté de se rendre vulnérable, fragile, dans le seul

but d’atteindre le coeur de celui qui se sent en manque de tout,

rejeté,  exclu, pauvre, pêcheur, malade, seul dans sa souffrance,

esclave de ses vices, prisonnier de sa religion, prisonnier de son

clan familial, prisonnier de sa société…

 

 

Quand j’ai lu le titre « Dedans…Dehors », j’ai tout de suite pensé à la

parabole du Bon Berger.

Cette invitation à la liberté.

Et aussi au mot église.

 

Ce mot église est très peu utilisé dans les évangiles. Donc, j’imagine

que Jésus l’a très peux prononcé.  Peut être pour éviter qu’il soit

mal utilisé, mal interprété en créant des divisions entre tous les

hommes, des clans. Tous ces hommes à qui Jésus-Christ a donné sa vie

sur la croix, cette croix si douloureuse. Cette croix, où, bras

ouverts, il dit: «Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils

font.» L’Amour personnifié, ne laissant aucune place pour le jugement !

Cette Amour qui unit tous les hommes !

 

Ce mot église,  « ekklesia » en grec, composé de ek et dérivé de kaleo.

Ek: hors de

Kaleo: donner un nom, appeler.

 

On pourrait traduire église par  » les appelés par leur nom (dans le

sens unique, relation personnelle et intime avec le créateur) à sortir

hors de »

 

Pour comprendre la parabole du Bon  Berger, il faut connaître comment

procédait un berger à l’époque de Jésus. Le berger avait un associé

qui gardait les moutons dans la bergerie, le gardien. Quand le berger

se rapprochait de la bergerie, il commençait à appeler ses brebis par

leur nom. (Cette notion de donner un nom unique à chaque brebis,

montre que le berger connaissait bien ses brebis, il passait beaucoup

de temps avec elles) Alors le gardien ouvrait la porte et les brebis

couraient avec excitation rejoindre leur berger. Le berger faisait

demi-tour et marchait en direction des verts pâturages.

Les brebis reconnaissent très bien la voix et les sons . Je connais

bien ce sujet. J’ai passé beaucoup de temps dans ma jeunesse avec une

brebis et son agneau:

Une brebis a soif de liberté, elle recherche à atteindre toujours

l’herbe fraîche qui se trouve de l’autre coté de la clôture.

il faut beaucoup de patience  pour approcher une brebis.

Elle est vite dominée par la crainte, ce qui la pousse à mettre sa vie

en danger, ainsi que la vie de son agneau…

 

Je finirai par ces passages:

 

Jean 10:4

 

Quand IL les a tous fait sortir, il marche devant eux. Et ses moutons

le suivent, parce qu’ils connaissent sa voix.Ils ne suivront jamais

quelqu’un d’autre. Au contraire, ils fuiront loin de lui, parce qu’ils

ne connaissent pas la voix des autres personnes.»

 

Il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour accompli chasse la

crainte; car la crainte suppose le châtiment, et celui qui craint

n’est pas accompli dans l’amour. (1 Jean. 4.18)

 

Alors sortons découvrir ce que Dieu a caché comme trésors merveilleux !

Ces trésors préparés spécialement pour nous, être unique, aimé de

son créateur !!

 

Psaumes 65:

Quand TU passes, les richesses débordent. Les terres sèches sont

couvertes de récoltes, les collines sont entourées de joie. Les

pâturages portent les moutons et les chèvres, les vallées sont

couvertes de blé. Toute la campagne chante et danse de joie.

 

Alors qu’est ce qui nous empêche de faire de véritables rencontres où

la VIE circule

 

Philippe Molla

 

Voir sur ce blog (7 octobre 2011) un autre texte de Philippe : 

« Un chantier peut-il être convivial ? »

Dedans… Dehors ! : Face à l’exclusion, vivre une commune humanité

 

Avons-nous tendance à nous installer dans un groupe en ignorant ou en rejetant ceux  qui sont à l’extérieur ? Sommes-nous enclins à catégoriser les gens en termes contraires jusqu’à la position extrême : les bons et les méchants ? Ou bien, à l’inverse, sommes-nous disposés à la bienveillance vis à vis de ceux qui nous entourent en reconnaissant la diversité des comportements. Notre attitude dans la vie sociale dépend évidemment de nos mouvements intérieurs qui s’inscrivent dans les dimensions psychologique et spirituelle de notre être. Comment gérons-nous l’agressivité et l’angoisse ? Y a-t-il en nous un courant de vie positive qui s’exprime dans l’empathie et la sympathie ?

Cependant, quelque soit notre attitude personnelle, nous sommes confrontés au climat des groupes sociaux dans lesquels nous vivons. Cette ambiance exerce sur nous une influence dont nous avons plus ou moins conscience et face à laquelle nous ne sommes pas toujours en mesure d’opposer une réflexion critique ? Et pourtant, lorsqu’on y réfléchit, la manière de vivre dans un groupe en opposant plus ou moins consciemment les gens qui sont dedans à ceux qui sont dehors, en termes positifs pour les uns, négatifs pour les autres, est beaucoup plus répandue qu’on ne l’imagine.

 

L’exclusion : une question sociale très actuelle .

 

Les historiens nous décrivent le mépris orgueilleux affichés par la classe dominante vis à vis des pauvres et des exclus dans différents contextes de notre passé. Le livre de Guillaume Le Blanc : « Que faire de notre vulnérabilité ? » (1) nous montre combien le phénomène de l’exclusion est encore très présent aujourd’hui en décrivant et analysant les processus correspondants. « Aujourd’hui nombreux sont ceux qui ont le sentiment d’être exclus, d’être rejetés du mauvais côté de la frontière. Nombreux sont ceux également qui redoutent de l’être… La crainte de l’exclusion ne porte pas seulement sur ce qu’elle entraîne dans les conditions d’existence, mais aussi sur une perte d’humanité… Dans l’effroi de l’exclusion, le sentiment même d’une communauté des vies humaines est potentiellement annulé.. . Exclure ne revient pas seulement, de ce fait, à tracer une ligne entre dedans et dehors, mais à contester le caractère pleinement humain de celles et ceux qui sont perçus, à tort ou à raison, comme étant dehors » (p 26-27). Une frontière est érigée. « L’exclusion précipite l’exclus au delà de la frontière et crée un fossé entre celles et ceux qui sont dedans et celles et ceux qui sont dehors » ( p 26). Si, comme « sujets travailleurs, raisonnables, citoyens, cherchant, dans le centre de nos ville, plaisir de vie », nous nous protégeons par un sentiment de supériorité vis à vis des exclus, le remède n’et-il pas dans une conception de l’homme qui accepte de reconnaître sa propre vulnérabilité. « Contre la suffisance d’une communauté qui se proclame invulnérable, l’accueil de l’exclu fait advenir une autre humanité, vulnérable tout autant qu’imprévisible » (p.211).

 

Hors de l’Eglise, point de salut… !?

 

Dedans. Dehors. Un autre exemple se présente à nous. Il est emprunté au domaine religieux.

Au long des siècles, l’Eglise a été le berceau d’œuvres charitables. Mais il y a aussi la mémoire d’une puissance qui imposait sa loi. Un historien, Jean Delumeau, nous rapporte la présence d’une culture de la peur fondée sur la menace de l’enfer, une exclusion éternelle. Certes, on doit éviter de généraliser et de caricaturer, mais il y a bien eu des théologiens qui ont transposé la violence de leur époque, violence du pouvoir et violence des mœurs, dans leur conception de Dieu et de la destinée humaine (2). On se rappelle l’adage : « Hors de l’Eglise, point de salut ». Bien sûr, les mentalités ont considérablement évolué, mais la croyance en une division entre « sauvés et perdus » persiste encore dans certains cercles chrétiens. Là ou elle est latente, les non croyants ne sont pas perçus comme des personnes à part entière où l’Esprit est à l’œuvre, mais, plus ou moins, comme des gens à convertir. Alors l’Eglise se vit en terme de dedans par rapport au dehors. Quelle différence avec l’attitude de Jésus qui s’en va à la rencontre des « pécheurs et des publicains ».

 

Jésus en lutte contre les forces d’exclusion

 

Jürgen Moltmann nous aide à sortir d’une catégorisation qui engendre l’exclusion. Théologien, il rejoint l’analyse du philosophe, Guillaume Le Blanc, lorsqu’il écrit  dans un livre : « Jésus, le messie de Dieu » (3) : « Dans toute les sociétés, il existe les catégories alpha qui déterminent ce qui doit être considéré comme bon et ce qui doit être considéré comme mauvais. Et il existe les catégories oméga dont la bonne société doit se démarquer parce qu’elle représente ce qui est mal . Lorsque cette dualité conduit à la formation de classes commence alors une lutte sans pitié des « bons » contre  les « mauvais ». (p166) Dans les récits des Evangiles, le concept de pécheur a une signification sociale comme le montrent les couples de concepts : bien portants-malades, justes-pécheurs, pharisiens-publicains ». De fait, les pécheurs sont des juifs qui ne sont pas en mesure d’observer la Torah.

Or Jésus déclare qu’il est venu appeler non pas des justes, mais des pécheurs (Marc 2.17). « En entrant dans la compagnie des pécheurs et des publicains, Jésus s’engage dans un conflit social à connotation religieuse qui creuse un  abîme entre justes et injustes, entre bons et mauvais… Les justes revendiquent pour eux-mêmes la justice de Dieu et imposent socialement leur système de valeurs. De même que la « possession de la richesse » fait que les pauvres restent pauvres, de même, la « possession du bien » creuse le fossé entre les bons et les mauvais, et fait que les mauvais restent mauvais ».

Jésus prend parti en faveur des discriminés. « En faisant cela personnellement, il leur révèle, à eux et à ceux qui les oppriment, la justice messianique de Dieu qui, par le droit de la grâce, rend juste ceux qui sont injustes, bons ceux qui sont mauvais et beaux ceux qui sont laids. Il s’agit là d’une attaque en règle contre la morale religieuse et bourgeoise ».

Jésus va à la rencontre des exclus, partage la table des pécheurs et des publicains. « Jésus anticipe le festin des justes dans le royaume de Dieu et fait ainsi lui même la démonstration de ce que signifient l’accueil  par le Dieu de miséricorde et le pardon des péchés.  Etre invité au grand festin du Royaume de Dieu… Jésus célèbre le repas des temps messianiques avec les discriminés de son temps. S’il est le Fils de Dieu messianique, il représente ainsi le comportement de Dieu lui-même » (p166).

L’attitude à laquelle Jésus nous invite dans les Béatitudes (Matthieu 5.1-11) va dans le même sens. Il s’adresse à un peuple divers confronté à de nombreuses difficultés. Il aide chacun à reconnaître ses vulnérabilités, mais aussi les dons qu’il a reçus. Il répand un courant de vie.

 

Pour une commune humanité, accepter nos vulnérabilités

 

Dedans. Dehors. Nous sommes fréquemment confrontés en nous même et dans les groupes sociaux où nous vivons à des tentations de repli, à des attitudes d’exclusion. Nous observons les mêmes tendances à une échelle plus vaste dans le champ politique. C’est le cas, par exemple, dans la manière de considérer les étrangers .

En regard, l’Evangile nous apporte un souffle d’universalité. C’est la source d’une dimension fraternelle.

En analysant les processus d’exclusion et les dispositions d’esprit qui les favorisent, Guillaume Le Blanc apporte une compréhension qui est aussi un horizon de vie et d’action : « L’angoisse d’être exclus, la hantise d’être débarqué, la peur de tomber, n’ont jamais imprimé aussi fortement nos vies. D’où vient ce sentiment de vulnérabilité et que peut-on en faire ? Au moment même où il semble nous priver de tout pouvoir, il nous faut reconnaître notre commune fragilité et l’irréductible humanité de ceux qui ont déjà été rejetés » (en couverture). Et il nous invite à un nouveau regard : « C’est seulement en reconnaissant que nous sommes vulnérables que nous pourrons affronter l’exclusion et la comprendre malgré tout comme une possibilité humaine et aussi comme une possibilité de vie humaine «  (p22).

Il y a bien des exemples où cet esprit est à l’œuvre. C’est le cas par exemple dans les « communautés de l’Arche », mais aussi dans de nombreuses associations. Dans un livre récent : « le grain de sable et la perle », Laurent de Cherisey, bien connu pour l’œuvre remarquable qu’il a accompli pour faire connaître des pionniers du développement social et environnemental à travers le monde, « les passeurs d’espoir », nous raconte comment, à partir d’un accident intervenu dans sa famille, il a été amené à s’engager dans la réalisation d’un lieu de vie pour accueillir des handicapés à la suite d’un traumatisme cranien. Son témoignage rejoint la réflexion de Guillaume Le Blanc : « Les personnes handicapées m’on fait le merveilleux cadeau de découvrir que nos fragilités ne sont pas un mal honteux à dissimuler, mais des opportunités de fécondité. Dans l’alliance de nos vulnérabilités se tissent les liens de fraternité les plus solides. La force de notre société dépend de leur qualité » (p145).

 

Des questions à se poser

 

En quoi cette réflexion peut-elle nous concerner personnellement ? Je suis attristé lorsque j’approche un milieu dont je sens qu’il est plus ou moins fermé vis à vis du monde extérieur. Je ressens la violence des attitudes d’exclusion. Quelle perte par rapport au potentiel qu’engendre l’ouverture ! Et puis, dans certaines circonstances, comme une moindre forme physique, un temps de maladie, l’impact d’un deuil, je puis ressentir l’indifférence de certains comme pouvant entraîner mon exclusion de certains circuits. Pour une part, nous avons l’habitude de communiquer dans une expression de nos capacités.  On peut appréhender le devenir de cette communication si ces capacités se trouvent quelque part limitées. Des relations équilibrées impliquent le partage non seulement des produits de notre créativité, mais aussi une expression partagée de nos manques et de nos besoins.  Les Béatitudes exprimées par Jésus : bienheureux les pauvres, bienheureux les doux, bienheureux ceux qui suscitent la paix décrivent un style de communication qui s’opposent à la violence de ceux qui se croient forts et permettent à leur agressivité de se manifester en terme d’exclusion. Elles impliquent une reconnaissance de nos manques. Lorsque Guillaume le Blanc nous invite à accepter nos vulnérabilités , de fait à nous accepter tel que nous sommes avec nos dons et nos manques, il  nous montre les incidences de cette attitude non seulement pour nous même, mais pour la vie sociale. C’est ainsi que se manifeste une vraie humanité. Voilà de bonnes questions à nous poser. Parlons en !

 

JH

 

(1)            Le Blanc (Guillaume). Que faire de notre vulnérabilité ? Bayard, 2011. Guillaume Le Blanc est professeur de philosophie à l’université de Bordeaux III Il est notamment l’auteur de « Dedans, dehors. La condition d’étranger (Seuil). Nous avons découvert ce livre à travers un commentaire de Ségolène Royal.

(2)            A travers son œuvre, le théologien Jürgen Moltmann nous aide à comprendre comment les  conditions du pouvoir et l’état des mentalités ont influencé les doctrines émises par certains théologiens menant ainsi à une pensée d’exclusion. Voir le blog sur la pensée de Moltmann : L’Esprit qui donne la vie. http://www.lespritquidonnelavie.com/

(3)            Moltmann (Jürgen). Jésus, le messie de Dieu. Cerf,1993

(4)            Cherisey (Laurent de). Le Grain de sable et la Perle. Quand les personnes handicapées nous redonnent le goût du bonheur. Presses de la Renaissance, 2011. Du même auteur : Passeurs d’espoir (2 vol.), 2005-2006.  Recherche volontaire pour changer le monde, 2008. Laurent de Cherisey est cofondateur de l’association Simon de Cyrène.