Avaaz. Un mouvement international pour changer le monde

Transformation sociale et transformation personnelle vont de pair

 Le grand mouvement international Avaaz (1) vient de lancer une campagne pour la promotion de principes éthiques : « Faisons preuve de gentillesse et de respect. Tendons vers la sagesse. Pratiquons la reconnaissance ». Cette initiative nous paraît témoigner d’une évolution prometteuse dans un  changement de mentalités à l’échelle internationale. Transformation sociale et transformation personnelle vont de pair. Quel est le parcours du mouvement Avaaz ? Quels principes éthiques veut-il promouvoir ? Comment cette initiative s’inscrit-elle dans une transformation des mentalités où action sociale et spiritualité font alliance ?

 Avaaz . Un mouvement citoyen en ligne.

 « Avaaz – qui signifie « Voix » » dans plusieurs langues d’Asie, du Moyen-Orient et de l’Europe de l’Est – a été lancée en janvier 2007 avec une mission démocratique simple : « fédérer les citoyens de toutes les nations pour réduire l’écart entre le monde que nous avons et le monde voulu par le plus grand nombre et partout.

Avaaz offre à des milliers de personnes venues de tous les horizons la possibilité d’agir sur les questions internationales les plus urgentes, de la pauvreté à la crise du Moyen Orient et au changement climatique. Le modèle de mobilisation par internet permet à des milliers d’efforts individuels, aussi petits soient-ils, de se combiner rapidement pour devenir une puissante force collective. Active dans 14 langues, et animée par une équipe professionnelle présente sur cinq continents et des bénévoles partout dans le monde, Avaaz agit, en signant des pétitions, en finançant des encarts dans les médias, en envoyant des messages et des appels téléphoniques aux dirigeants, en organisant des manifestations et des évènements pour faire en sorte que l’opinion et les valeurs des citoyens du monde influent sur les décisions qui nous concernent tous ».

En quelques années, Avaaz est devenu un mouvement d’envergure mondiale (1). En effet aujourd’hui, il affiche une participation de 40 millions de membres. Cependant il faut préciser que le degré d’implication de ces membres varient beaucoup ; Beaucoup d’entre eux ont simplement signé une pétition lancée par Avaaz sur internet. Le site d’Avaaz nous permet de savoir quelles sont les pétitions qui ont eu le plus d’impact et quels ont été les temps forts du mouvement. Nous avons nous-même signé plusieurs de ces pétitions. On peut voir en ligne les participants qui affluent de nombreux pays. Les causes défendues sont nombreuses et diverses : du soutien apportée à la production  indienne de médicaments génériques accessibles aux plus démunis jusqu’à la lutte contre les pesticides qui détruisent les abeilles en passant par la dénonciation des méfaits de Boko Haram.

Avaaz laisse libre ses membres des soutenir uniquement les causes avec lesquelles ils se sentent en affinité. « Chez Avaaz, nous reconnaissons que des gens de bonne foi seront souvent en désaccord sur des détails précis. Au lieu de s’échiner à obtenir le consensus, chacun d’entre nous décide de participer ou non à chacune des campagnes. Mais, sous chaque campagne d’Avaaz , se trouve un ensemble de valeurs,  la conviction que nous sommes avant tout des êtres humains dotés de responsabilités envers chacun, envers les générations futures et la planète ». Cependant, le terme de « membre » employé pour désigner celui qui participe aux activités d’Avaaz, nous paraît quelque peu excessif. Le terme de sympathisant,  associé ou partenaire pourrait être plus pertinent.

Mais Avaaz ne sollicite pas seulement ses membres pour développer des campagnes. Elle est également à leur écoute.

« Chaque année, Avaaz définit ses priorités générales à partir d’un sondage proposé à tous ses membres et les idées de campagne sont soumises par sondage et testées chaque semaine auprès de panels de 10000 membres choisis au hasard ». Avaaz suit ainsi le mouvement réformateur dans l’opinion mondiale. Ces campagnes sont mises en oeuvre à partir d’un travail avec des partenaires et des experts et d’une prise en compte de moments charnières entre crise et opportunité. « Dans la vie d’un enjeu ou d’une cause, il apparaît parfois un moment où une décision doit être prise et ou une mobilisation du public peut tout à coup faire bouger les choses »

Avaaz, par son origine, par ses dirigeants, par son organisation, témoigne du nouveau contexte international où une conscience mondiale est en train d’émerger. Certes des critiques peuvent être émises sur tel ou tel point, mais, dans l’ensemble, Avaaz a remporté des victoires dans la défense de causes positives et il apparaît, selon le journal « Guardian », comme le plus grand et le plus puissant mouvement citoyen mondial en ligne.

 

Promotion de principes de vie : comment être meilleur pour soi et pour les autres.

C’et pourquoi on peut accorder une attention toute particulière à une campagne qu’Avaaz vient d’entreprendre et qui vise à développer des comportement fondés sur une vision éthique et spirituelle (2). Cette campagne a pour but de favoriser une transformation personnelle. « Engagez-vous dans une aventure intérieure pour comprendre comment être meilleur pour soi et pour les autres. C’est une partie cruciale du changement qie nous souhaitons tous ». C’est dire que transformation sociale et transformation personnelle vont de pair.

Avaaz invite ses membres à vivre selon trois principes : gentillesse et respect, sagesse et reconnaissance. La formulation de  ces principes est elle-même instructive  et prometteuse.

Faire preuve de gentillesse et de respect.

Nous ferons preuve de gentillesse et de respect envers nous-même et les autres aussi souvent que possible : tout le monde livre au moins une bataille dont nous ne savons probablement rien.

Tendons vers la sagesse.

Nous ferons notre possible pour prendre les décisions justes en nous écoutant et en écoutant attentivement les autres. Nous chercherons l’équilibre entre notre raison, notre cœur et nos intuitions dans une harmonie qui sonne juste.

Pratiquons la reconnaissance

Nous prendrons régulièrement le temps de penser à toutes les personnes et choses pour lesquelles nous éprouvons de la reconnaissance, parce que cela met les choses en perspective, dissout la négativité et nous aide à nous concentrer sur ce qui compte vraiment.

Avaaz s’engage dans cette campagne avec détermination.    « Notre communauté soutient avec une écrasante majorité ces trois grands principes qui peuvent nous aider à changer le monde. Rejoignez les milliers de membres qui ont pris cette résolution envers eux-mêmes et partagez votre expérience et l’histoire de votre aventure intérieure  sur notre chat enligne ». Et, pour la suite, Avaaz ne manque pas d’ambition puisqu’elle se propose : « quand nous serons 500000 à avoir pris cet engagement, nous inviterons les dirigeants du monde entier à nous rejoindre ».

Et, dans un message aux membres d’Avaaz, Ricken Patel et toute l’équipe propose des suggestions pratiques. « A propos de la reconnaissance, si vous ne l’avez jamais fait, essayez de faire cet exercice : Fermez les yeux, respirez profondément et prenez trente secondes pour penser à ce pour quoi et pour qui vous vous sentez reconnaissant. Si vous faites cet exercice à deux ou à plusieurs, ce sera encore mieux. Vous pourrez alors partager ce que vous ressentez. Nous l’avons fait lors des réunions publiques de la Marche des citoyens pour le climat (et même pendant la Marche elle-même) et c’était vraiment extraordinaire ».

 

« Soyez le changement que vous voulez pour le monde »

Cette initiative d’Avaaz nous paraît s’inscrire dans un état d’esprit dont Gandhi a été un porte-parole emblématique lorsqu’il proclame : « Soyez le changement que vous voulez dans le monde » (3).

Dan les dernières décennies, à la suite des « groupes d’Oxford » fondé par le pasteur américain, Frank Buchman, le « Réarmement moral », à partir de 1938, a voulu s’opposer à la montée du nazisme, en développant un renouveau spirituel accessible à tous et fondé sur une pratique de l’écoute dans le silence (4). Dans l’après-guerre, ce mouvement a beaucoup travaillé en faveur de la résolution de conflits internationaux par la réconciliation et le pardon. Sa devise rejoint celle de Gandhi : « Changer soi-même pour que le monde change ». L’appellation : « Réarmement moral » a correspondu à une époque, mais elle n’était plus adaptée à la notre. Mais le mot d’ordre : « Changer soi-même pour que le monde change » a été repris aujourd’hui par le mouvement : Initiatives et changement » (5), lui-même héritier des valeurs du Réarmement moral. La conscience de notre responsabilité personnelle par rapport aux problèmes avec lesquels l’humanité est confrontée, nous paraît aller grandissant. C’est ainsi que le mouvement « Colibris », inspiré par Pierre Rahbi, se réfère à une légende amérindienne : face à un immense incendie de forêt, un petit colibri s’active en allant chercher quelques gouttes d’eau pour les jeter sur les flammes. Il sait bien que cette tentative de petit pompier est dérisoire, mais « il fait sa part ».

Dans son ouvrage : « La guérison du monde » (6), Frédéric Lenoir envisage le monde actuel dans une perspective historique, de « la fin d’un monde » à « l’aube de la renaissance », et ce livre se conclut par un chapitre intitulé : « Se transformer soi-même pour changer le monde ».  « C’est quand la pensée, le cœur, les attitudes auront changé que le monde changera ». « La modernité a mis l’individu au centre de tout. C’est donc aujourd’hui sur lui plus que sur les institutions et les superstructures que repose l’enjeu de la guérison du monde ». Bonne nouvelle ! Frédéric Lenoir perçoit une évolution  dans les attitudes. Il distingue trois phases successives dans la manifestation de l’autonomie : «  l’individu émancipé, l’individu narcissique et l’individu global ». « Dans cette troisième phase, nous assistons depuis une quinzaine d’années à la naissance d’une troisième révolution individualiste. Différents mouvements convergent : « besoin de redonner du sens à la vie commune à travers un regain des grands idéaux collectifs, besoin de donner du sens à sa vie personnelle à travers un travail sur soi et un questionnement existentiel » (p 289). Ici idéal social et conscience spirituelle se conjuguent. Dans ce contexte, on comprend mieux l’initiative d’Avaaz dans la promotion de trois principes de vie.

Si les menaces abondent dans notre monde tourmenté, on peut y voir un temps de crise qui est aussi un passage vers une civilisation nouvelle. Aujourd’hui, face aux épreuves, en lutte pour la la sauvegarde de la vie et pour la justice, en conscience de plus en plus universelle, les hommes ont besoin de changer dans leurs comportements dans le sens des principes formulés par Avaaz . C’est une requête et une aspiration qui nous appelle à puiser dans une inspiration qui se manifeste dans une diversité de traditions religieuses et philosophiques. Personnellement, nous entendons le message exprimé et  vécu par Jésus : « Tu aimeras le prochain comme toi-même ». (Matthieu 22.39). Et nous voyons  l’œuvre de l’Esprit dans une humanité en marche à la recherche de la justice et de la fraternité. Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann : « A l’encontre de toutes les forces contraires, le projet de Dieu est l’harmonie entre les êtres » (7). En lutte contre ce qui défigure aujourd’hui l’humanité et la nature, Avaaz s’inspire de valeurs qui fondent son combat. A travers la promotion de principes de vie, elle s’engage dans une approche globale où transformation personnelle et transformation collective sont appelées à se conjuguer.

J H

 

(1)            Site d’Avaaz : http://www.avaaz.org/fr/ . Pour une information sur l’histoire et le fonctionnement d’Avaaz, voir Wikipedia francophone et anglophone.  Pour un éclairage sur le fonctionnement d’Avaaz et sur la personnalité et le rôle de son fondateur, Ricken Patel,  nous avons apprécié un article de Carole Cadwallade sur le site du Guardian : « Inside Avaaz. Can online activism really change the world ? » http://www.theguardian.com/technology/2013/nov/17/avaaz-online-activism-can-it-change-the-world

(2)            Trois principes de vie : https://secure.avaaz.org/fr/three_principles_loc/?pv=592&rc=fb

(3)            « Soyez le changement que vous voulez pour le monde » : Cette parole de Gandhi est rappelée par  Frédéric Lenoir  dans son livre : « La guérison du monde » et aussi dans un chapitre du livre :  « Nos voies d’espérance » : Sur ce blog : « Discerner les voies d’une société plus humaine » : https://vivreetesperer.com/?p=1992

(4)            Témoignage sur le Réarmement moral : Philippe et Lisbeth Lasserre. La voix intérieure. Témoins, N° 120, mars 1996, p 10-11. Consultable sur le site de Témoins : http://temoins.com/about-joomla/la-memoire-de-temoins/les-43-magazines/temoins-nd-120.html

(5)            Site d’Initiatives et Changement : http://fr.iofc.org/. Sur ce blog : « Une jeunesse engagée pour une société plus humaine et plus durable. Interview de Myriam Bertrand, volontaire du service civique à Initiatives et changement (sept 2013-mars 2014) : https://vivreetesperer.com/?p=1780     « Construire une société où chacun aura sa place.  A propos de la relation France-Maghreb » : https://vivreetesperer.com/?p=1240

(6)            Frédéric Lenoir. La guérison du monde. Fayard, 2012. Sur ce blog : « Un chemin de guérison pour l’humanité » : https://vivreetesperer.com/?p=1048   Commentaire : « Emergence d’une nouvelle sensibilié spirituelle et religieuse. En regard du livre de Frédéric Lenoir : La guérison du monde » : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/recherche-et-innovation/etudes/emergence-dune-nouvelle-sensibilite-spirituelle-et-religieuse-en-regard-du-livre-de-frederic-lenoir-l-la-guerison-du-monde-r

(7)            Introduction à la pensée de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/  Voir sur ce blog : « Vivre en harmonie » : https://vivreetesperer.com/?p=43 « L’essence de la création dans l’Esprit est par conséquent la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître l’ « accord général ».

Une vision de la liberté

Comment vivre ensemble entre êtres humains ?

Au sortir de la société hiérarchisée qui a prévalu pendant des siècles, l’aspiration à la liberté a grandi et s’est manifestée à travers des bouleversements sociaux comme les révolutions qui, à la suite de la Révolution Française, ont parsemé le XIXè siècle. Mais l’aspiration à la liberté ne se manifeste pas seulement au plan de la politique intérieure, mais aussi sur le registre des combats pour l’indépendance nationale par opposition à une domination étrangère et, dans le domaine social, en terme de luttes pour une libération face à l’exploitation d’un groupe dominant. Aujourd’hui encore, l’aspiration à la liberté figure dans l’actualité comme on l’a vu dans les « printemps arabes » et ce ferment est toujours actif.

Cependant, le mouvement pour la liberté n’est pas sans rencontrer des écueils. Il y a des avancées, mais aussi des reculs et des régressions. Le processus dépend pour une part de nos représentations de l’être humain et de la manière de concevoir la vie en société dans une perspective plus vaste. Quelle est notre vision de la nature humaine et de l’avenir de l’humanité ?

Pour répondre à ces interrogations, nous nous inspirons de la pensée de Jürgen Moltmann telle qu’elle s’exprime en quelques pages éclairantes dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (1).

La liberté comme maîtrise.

Dans une rétrospective historique, on constate que la liberté s’est affirmée fréquemment en terme de lutte pour le pouvoir. Il y a des vainqueurs et des vaincus. Dans cette perspective conflictuelle, la liberté apparaît comme un privilège de ceux qui dominent. Cela a été le cas dans la société antique. La liberté apparaît alors comme une « maîtrise ». « Celui qui comprend la liberté comme maîtrise ne peut être libre qu’au détriment des autres hommes… Au fond, il ne connaît que lui-même et ce qu’il possède. Il ne voit pas les autres comme des personnes » (p 165). Si nous considérons principalement la liberté  comme la possibilité de faire ce qui nous plaît, nous avons l’impression d’être « notre propre maître ». Mais alors, c’est l’individualisme qui prévaut. Certes, on fixe pour règle de respecter la liberté des autres. Mais n’est-ce pas sous-entendre que « tout homme n’est qu’une limite à ma liberté ». « Chacun est libre pour ce qui le concerne lui-même, mais personne ne se soucie de l’autre…Dans le cas idéal, il s’agit d’une société d’individus libres et égaux, mais solitaires » (p 160). Mais est-ce bien là une situation qui puisse répondre aux aspirations profondes de l’être humain ?

La liberté comme participation.

On peut avoir un autre regard sur la vie sociale selon lequel la liberté s’exerce dans une relation caractérisée par un respect réciproque. « C’est le concept de la « liberté communicative »… C’est dans l’amour mutuel que la liberté humaine trouve sa réalité. Je suis libre et me sens libre lorsque je suis respecté et reconnu par les autres (2) et, lorsque, de mon côté, je respecte et reconnaît les autres » (p 166). Si je partage ma vie avec d’autres, « l’autre n’est plus la limite, mais le complément à ma liberté ». « La vie est communion dans la communication… Nous nous communiquons mutuellement de la vie… Dans la participation à la vie les uns avec les autres, chacun devient libre au-delà des limites de son individualité » (p 166). Ainsi la liberté s’exerce dans la relation sociale. Elle se manifeste dans l’amour ou la solidarité.

En comparant « la liberté comme maîtrise » et « la liberté comme communauté », Jürgen Moltmann éclaire notre interprétation de l’histoire. « Aussi longtemps que la liberté signifie maîtrise, il faut tout séparer, isoler, fractionner et distinguer pour pouvoir dominer. Mais si la liberté signifie communauté, alors on fait l’expérience de l’union de tout ce qui est séparé ». Ainsi deux conceptions s’opposent : d’un côté, une logique individualiste, et d’un autre côté, une vision holistique. Dans cette vision, « l’aliénation de l’homme par rapport à l’homme, la séparation de la société humaine et de la nature, la scission entre l’âme et le corps, enfin la crainte religieuse sont abolies ». « La liberté comme communauté est un mouvement qui va en sens contraire des luttes pour le pouvoir et des luttes des classes dans lesquelles la liberté ne pouvait être comprise que comme domination… La vérité de la liberté humaine consiste dans l’amour qui veut la vie. Elle conduit à des communautés sans entraves, solidaires et ouvertes… » (p 167)

La liberté comme avenir.

Mais, si on  conçoit la vie sociale sans pouvoir fonder sa dynamique dans une perspective d’avenir, sans horizon, alors un enfermement apparaît, un repli se manifeste. « La détermination de la liberté par la foi chrétienne conduit encore au delà de la liberté comme communauté. Nous avons caractérisé la foi chrétienne comme étant essentiellement espérance de la résurrection. A la lumière de cette espérance, la liberté est la passion créatrice pour le possible ». Pour s’exercer, la liberté ne peut se contenter de l’existant. « Elle est référée à l’avenir, à l’avenir du Dieu qui vient » (p 167). Ainsi nous regardons en avant, nous pensons en terme de projet, nous manifestons notre créativité. « Cette dimension de la liberté qui se réfère à l’avenir a été longtemps négligée parce qu’on ne comprenait pas la liberté de la foi chrétienne comme participation à l’agir créateur de Dieu. » (p 168). Dans cette perspective, « nous découvrons la liberté dans la relation de sujet à sujet en relation au projet commun.. ». Jürgen Moltmann nous appelle à entrer dans une vision. « Il est vrai que dans l’histoire dont nous faisons l’expérience, il nous est plus facile de désigner le négatif dont nous voulons nous libérer que d’exprimer le positif en  vue duquel nous espérons devenir libre. Mais c’est l’espérance d’un avenir plus grand qui, dans l’histoire, nous mène vers des expériences toujours nouvelles » (p 168).

Liberté, égalité, fraternité.

Dans cet éclairage, nous pouvons examiner la grande devise de la République française : liberté, égalité, fraternité. Lorsqu’on souffre de l’absence de liberté, on en perçoit le prix. Et l’égalité fait barrage aux privilèges qui entraînent et accompagnent la domination. Mais si l’on s’en tient à ces deux termes, on s’expose à retomber dans une situation où la recherche de maîtrise est sous-jacente et s’exprime dans un individualisme qui défait le lien social… C’est pourquoi, l’adjonction de la fraternité est essentielle. Et, si l’on se reporte à l’histoire, on sait que le terme s’est imposé au cours du processus qui a abouti à la Révolution de 1848 et que, par rapport à l’individualisme bourgeois, des chrétiens socialistes ont joué un rôle dans cette adjonction (3). Une inspiration chrétienne s’est manifestée dans l’émergence de la fraternité. La fraternité va de pair avec la solidarité et elle en est le ferment.

Dans un livre récent : « Le mystère français » (4), deux démographes, Hervé Le Bras et Olivier Todd, nous apportent un éclairage précieux sur la pluralité des cultures dans la société française. Cette réalité est mise en évidence à travers un ensemble de cartes particulièrement significatives. L’interprétation des auteurs peut naturellement être débattue. A notre sens, la notion de fraternité mériterait d’être davantage prise en compte. La crise de l’héritage révolutionnaire dans le grand bassin parisien, peut être perçue comme la résultante d’un déficit de fraternité. Le dynamisme qui se manifeste dans des régions autrefois marquées par un catholicisme hiérarchisé, peut être imputée à la fraternité qui se manifeste dans une inspiration évangélique autrefois contrôlée.

Aujourd’hui, dans la crise économique et sociale et le désarroi qui en résulte, la fraternité nourrit et soutient la vie en société. Elle s’exprime plus difficilement dans une vie politique marquée par la recherche du pouvoir. Mais, d’expérience, certains en savent l’importance. Ainsi, dans le récent livre de Ségolène Royal : « Cette belle idée du courage » (5), la fraternité est présente dans beaucoup de portraits. Et, à un moment, l’organisation  d’une fête annuelle de la fraternité a manifesté la prise en compte d’aspirations populaires au risque de susciter une réaction hostile chez les tenants de l’idéologie traditionnelle.

Pour une société conviviale

Et pourtant, aujourd’hui, dans la mutation en cours, la politique ne peut ignorer un mouvement profond qui s’exprime dans la reconnaissance de l’empathie (6) et dans l’aspiration à une autre manière de vivre où la dimension fraternelle va de pair avec un mouvement qui va de l’avant. Ainsi Jean-Claude Guillebaud a-t-il intitulé son dernier livre : « Une autre vie est possible » (7).

Dans la même inspiration, on parle aujourd’hui de convivialité. Ainsi, dans un recueil intitulé « De la convivialité. Dialogue sur la société conviviale à venir » (8), Patrick Viveret met en cause la « démesure », ce que les grecs appelaient « l’hubris » comme une des causes de la crise actuelle. Et il conclut en posant la question du vivre ensemble entre les êtres humains. « Nous n’avons plus la facilité de contourner la question humaine en la reportant du côté des choses –passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses – et il nous faut affronter la question du gouvernement des hommes à l’échelle planétaire. C’est fondamentalement, et la question de la démocratie, et au sens le plus radical du terme, la question de la qualité relationnelle interhumaine, j’ose le mot : de la qualité d’amour de l’humanité qui est en jeu dans la suite de sa propre aventure » (p 40) . L’appel à la convivialité s’étend puisque, tout récemment, un « Manifeste convivialiste » (9) vient de paraître.

Comment vivre ensemble entre êtres humains ? Et selon quelle éthique de la liberté ? La pensée théologique de Jürgen Moltmann nous aide à clarifier les termes du débat… Et, dans cette vision, s’il nous

J.H.

(1)            Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999.  La pensée théologique de Jürgen Moltman est présenté au public francophone sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/.  Vie et pensée de Jürgen Moltmann à travers son autobiographie : « Une théologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

(2)            La recherche en sciences sociales, notamment à travers les écrits  de Axel Honneth, met de plus en plus l’accent sur l’importance pour les gens de se sentir reconnu par autrui. Nous renvoyons à recueil de contributions sur ce sujet récemment publié : La reconnaissance. Des revendications collectives à l’estime de soi. Editions Sciences humaines, 2013. « C’est dans le regard des autres que l’individu trouve la confirmation de son existence, qu’il se sent à la fois semblable et différent. Et qu’il peut trouver les sources de l’amour et de l’estime de soi….Le besoin de reconnaissance touche aussi bien les individus que les groupes ».

(3)            Histoire des origines de la devise : liberté, égalité, fraternité sur Wikipedia francophone et anglophone. http://fr.wikipedia.org/wiki/Liberté,_Égalité,_Fraternité  et http://en.wikipedia.org/wiki/Liberté,_égalité,_fraternité

(4)            Le Bras (Hervé), Todd (Emmanuel). Le mystère français. Seuil, 2013 (La République des idées). Riche présentation et mise en perspective de ce livre sur le blog : « Des petits riens… Petits riens, mais parfois grands bonheurs » (Le Monde.fr) http://jmph.blog.lemonde.fr/2013/05/05/le-mystere-francais-herve-le-bras-emmanuel-todd-le-seuil/

(5)            Royal (Ségolène). Cette belle idée du courage. Grasset, 2013 Sur ce blog, mise en perspective : « Force et joie de vivre dans un engagement politique au service des autres » : https://vivreetesperer.com/?p=1335

(6)            Rifkin (Jérémie). Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie. Les liens qui libèrent, 2011. Mise en perspective sur le site de Témoins : « Vers une civilisation de l’empathie. Apports, questionnements, enjeux » : http://www.temoins.com/etudes/vers-une-civilisation-de-l-empathie.-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkin.apports-questionnements-et-enjeux.html et, sur ce blog: « La force de l’empathie » : https://vivreetesperer.com/?p=137

(7)            Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible. Comment retrouver l’espérance ? L’Iconoclaste, 2012.  Mise en perspective sur ce site : « Quel avenir pour le monde et pour la France » : https://vivreetesperer.com/?p=937

(8)            Caillé (Alain), Humbert (Marc), Latouche (Serge), Viveret (Patrick). De la convivialité. Dialogues sur la société conviviale à venir ». La Découverte, 2011.

(9)            Manifeste convivialiste. Déclaration d’interdépendance. Éditions Le Bord de l’eau, juin 2013 Présentation de ce manifeste «http://www.reporterre.net/spip.php?article4356

Barack Obama : un homme de bonne volonté

A la recherche d’une humanité plus solidaire.

 

Dans ce monde fragile et instable, le rôle des Etats-Unis d’Amérique, qui reste la première puissance mondiale, est évidemment considérable. Ainsi, dans une planète,  de plus en plus interdépendante, l’élection du président des Etats-Unis retient aujourd’hui l’attention de tous les habitants du monde, au moins de ceux qui ont conscience de cette interrelation. Ainsi, avions-nous vécu avec consternation la défaite d’Al Gore face à George W. Bush, il y a douze ans. Nous avions comme un  pressentiment que ce choix du peuple américain était dangereux. Hélas, la guerre d’Irak a suivi.

 

Ainsi, avons-nous salué la victoire de Barack Obama en 2008 avec d’autant plus d’enthousiasme qu’à notre sens ce choix ouvrait un nouvel horizon pour les Etats-Unis et pour notre planète. Dans cette « nation-monde » que sont devenus les Etats-Unis, microcosme de notre univers par la participation de cultures issues de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie, cette élection marquait en effet une grande victoire contre la discrimination raciale et ouvrait un chemin vers la « modernité métisse » dont nous parle Jean-Claude Guillebaud dans une belle analyse du monde nouveau qui s’annonce (1). Dans le même mouvement, la politique internationale des Etats-Unis retrouvait le sens du respect mutuel. C’était aussi une victoire de valeurs qui élargissent la vie démocratique en mettant l’accent sur la solidarité dans la lutte contre des inégalités qui engendrent le malheur de beaucoup de gens et le désordre dans la société et dans l’économie. C’était aussi une prise de conscience écologique, le souci d’assurer le respect de la nature et la survie de la planète. Nous nous sommes expliqué sur la manière dont nous avons perçu le grand tournant qu’a été l’élection de Barack Obama. (2)

 

Depuis, les années ont passé, avec tout un lot de désillusions. Les commentateurs ont mis en évidence les limites de l’action engagée par ce président. Mais celui-ci a du faire face à la grande crise économique et aux forces conservatrices qui ont fait barrage dans d’autres instances. On peut enregistrer des désaccords, constater un passif, mais la longue bataille pour un élargissement de la protection de la santé et la relative victoire qui a été remportée, ont manifesté la persévérance de ce président. Et lorsque, à l’occasion de cette campagne, on peut prendre du recul, il apparaît que Barack Obama a poursuivi un dessein dans un contexte difficile avec les erreurs humaines qui sont le lot de chacun.

 

Ainsi, sans parti pris et sans nous attacher au détail d’un programme sur lequel nous n’avons pas à nous prononcer, nous avons à nouveau considéré les enjeux. Un examen des forces en présence nous a rappelé le clivage qui existe dans ce pays entre un choix de solidarité sociale et un individualisme conservateur. Et dans une relation profonde avec le message de l’Evangile, nous ne pouvons approuver un socle de pensée que l’on pourrait exprimer dans les termes : « Chacun pour soi et Dieu pour tous » !

 

Lorsqu’on considère la motivation de  Barack Obama, on constate à travers son parcours et son expression qu’il est imprégné des paroles du Christ qui nous appelle à porter attention aux pauvres et aux déshérités (3). Bien sûr, en admettant que le message chrétien peut être interprété avec des accents différents, nous sommes néanmoins attristé que Barack Obama suscite tant d’allergie dans plusieurs milieux chrétiens américains (4). On peut entendre en partie cette méfiance comme l’expression d’une mentalité qui est attachée à l’ordre et à l’autorité. A propos de cette élection, un commentateur chrétien, Jay Butcher (5), rappelle les paroles de Jésus sur l’exercice du pouvoir : « Vous savez que les chefs de nations les tyrannisent et que les grands les asservissent. Il n’en sera pas de même parmi vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur » (Matthieu 20 . 25-26). Lorsque nous regardons la personne de Barack Obama, sa sensibilité (6), son empathie, son respect vis à vis des autres, son intelligence compréhensive, on se dit qu’à sa mesure et dans son contexte, il s’efforce de suivre une éthique caractérisée par une attention à l’autre et un esprit de service. Ainsi, dans l’humanité qui se révèle à travers son parcours, on peut dire de lui qu’il est « un homme de bonne volonté ».  C’est un encouragement dans la recherche d’un monde plus humain et plus solidaire.

 

J H

 

(1)            Guillebaud (Jean-Claude).  Le commencement d’un monde. Vers une modernité métisse . Seuil, 2008. Mise en perspective : «Vers une modernité métisse » http://www.temoins.com/societe/vers-une-modernite-metisse-le-commencement-d-un-monde-selon-jean-claude-guillebaud./toutes-les-pages.html

(2)            « Le phénomène Obama . Un signe des temps » http://www.temoins.com/societe/le-phenomene-obama.-un-signe-des-temps/toutes-les-pages.html

(3)            Pendant la campagne, un site : « People of faith for Obama » a exprimé l’inspiration spirituelle du candidat : « Le président Obama est un chrétien engagé (« committed christian ») qui sait que la foi et les valeurs ne sont pas seulement un ancrage personnel. Elles sont aussi une force puissante pour le bien commun ». Ce texte met l’accent sur la solidarité et l’attention pour les plus défavorisés.  Voir la vidéo… http://www.barackobama.com/people-of-faith/  Diana Butler Bass, historienne, sociologue et théologienne, décrit Barack Obama comme témoignant d’une foi chrétienne où convergent la conviction passionnée de l’église afro-américaine, l’ouverture oecuménique du protestantisme contemporain et le christianisme social qui remonte à la fin du XIXè siècle. C’est une synthèse originale. http://www.freerepublic.com/focus/f-news/2948039/posts

(4)            Un site : « Pew forum of religion and public life » est une source régulière d’information statistique et sociologique sur les attitudes religieuses et la vie publique. La répartition des votes n’a pas beaucoup changé depuis la dernière élection présidentielle. Le candidat républicain recueille une majorité substantielle de votes chez les évangéliques blancs et chez les pratiquants assidus. Obama recueille une majorité substantielle de votes chez les protestants noirs, les catholiques hispaniques, les juifs et les personnes sans affiliation religieuse. http://www.pewforum.org/Politics-and-Elections/How-the-Faithful-Voted-2012-Preliminary-Exit-Poll-Analysis.aspx

(5)            «The best is yet to come » par Jay Butcher, du « London Institute for Contemporary Christianity. http://us5.campaign-archive1.com/?u=2d890204e49f49d788e3a0b12&id=d46d3887bd&e=6d2a513188

Cette sensibilité se manifeste dans une vidéo émouvante où Obama, remerciant ses jeunes supporters, essuie quelques larmes : http://www.youtube.com/watch?v=6pB6vqb2fnY

Pour réformer la finance

Pour réformer la finance, il faut changer les finalités et créer des institutions nouvelles incarnant le bien commun.

D’après le livre de James Featherby: « Of markets and men ».

Comment faire face aux dérives et aux ravages du système financier dominant ? Comment refonder la finance ?

Une voix britannique vient nous répondre. James Featherby, membre de l’équipe du « London Institute for Contemporary Christianity (LICC)  » (Institut de Londres pour le Christianisme Contemporain), juriste pendant trente ans dans une grande firme de la « City » de Londres, vient d’écrire un livre passionnant à ce sujet : « Of markets and men. Reshaping finance for a new season » (1). (Des marchés et des hommes. Réorganiser la finance pour une nouvelle époque »). Et il nous fait part de son approche dans un article qui vient de paraître sur le site du LICC (2).

En passant en revue les travaux de plusieurs chercheurs, James Featherby met l’accent sur l’importance des institutions. Dans la série de conférences de Reith (Ecosse), en 2012, Niall Ferguson affirme que le plus grand danger pour l’Occident réside dans son autosatisfaction (« complacency ») vis à vis des institutions (3). Dans « The origins of political order » (Les origines de l’ordre politique) (4), Francis Fukuyama déclare que la soumission de l’état aux règles de droit est fondamentale. Dans un livre intitulé : « Why nations fall » (Pourquoi des nations échouent » (5), Daron Acemoglu et James Robinson nous disent que l’existence d’institutions destinées à servir l’intérêt public plutôt que l’exploitation privée, explique pourquoi certains pays réussissent et d’autres s’effondrent. Dans un ouvrage : « To change the world » (Changer le monde) (6), James Davison Hunter appelle les chrétiens à une « présence loyale » (« faithful presence ») dans les institutions civiques, en se consacrant en premier à l’accompagnement du changement culturel.

Face aux dérives actuelles, « la « bonté » (« goodness » a besoin de s’incarner dans des institutions si nous voulons que des cultures et conduites positives se maintiennent et grandissent.  De bonnes institutions, me semble-t-il, peuvent à la fois conduire (« channel ») nos énergies positives et limiter nos excès. L’alternative est claire ».

James Featherby propose quatre démarches radicales pour institutionnaliser le bien (« goodness » dans l’économie et la finance :

° Changer le contrat social entre les grandes entreprises (« large business ») et la société en leur assignant un but civique autant qu’un but privé.

° Défaire le mécanisme par lequel une dette excessive a été créée dans la vie collective et personnelle.

° Réduire les opérations spéculatives dans les marchés financiers sans rapport avec l’économie réelle.

° Donner aux épargnants et aux retraités la capacité de mettre en oeuvre leur capital pour une fonction productive plutôt que d’avoir en vue seulement un rendement financier maximum.

« Si nous ne changeons pas les finalités des entreprises (« corporate objectives of the business ») qui contrôlent la manière dont nous vivons, incluant les structures bancaires, mais sans nous limiter à celles-ci, alors le volume de leurs budgets de publicité et la puissance de leurs plans continueront à accabler (« overwhelm ») à la fois ceux qui travaillent pour elles et le reste d’entre nous ».

Il est bon d’entendre cette voix qui, à partir d’une expérience professionnelle au sein même du système financier actuel, s’élève pour proclamer la nécessité d’un changement majeur dans les finalités et le fonctionnement du système financier et économique.

« Notre finance reflète notre philosophie. Nous avons besoin de penser et d’agir d’une manière qui soit plus relationnelle, holistique, en proximité, audacieuse, humble, inspirée par des finalités et des principes, tout cela en harmonie avec une vision biblique de la vie. Et puis, nous avons besoin de réorganiser nos institutions pour qu’elles reflètent notre nouvelle philosophie. Nous l’avons fait dans le passé. Nous pouvons le faire encore ».

Cette voix converge avec d’autres, entre autres, celles qui nous parlent aujourd’hui d’économie positive (7) ou d’économie solidaire (8) . Le chantier de la réforme est en train de se mettre en route.

J H

 

(1)            Featherby (James). Of markets and men. Reshaping finance for a new season. Tomorrow company, 2012. http://www.licc.org.uk/shop/product/of-markets-and-men-reshaping-finance-for-a-new-season

(2)            James Featherby. Reshaping finance for a new season. http://www.licc.org.uk/engaging-with-culture/connecting-with-culture/business/reshaping-finance-for-a-new-season-1389

(3)            Niall Ferguson.The rule of law and its Enemies. Reith lectures, 2012  http://www.bbc.co.uk/podcasts/series/reith

(4)            Francis Fukuyama. The origins of political order. From prehuman times to the French Revolution. Profile books, 2011. http://www.profilebooks.com/isbn/9781846682575/

(5)            Daron Acemoglu, James A. Robinson. Why nations fail. The origins of power, prosperity and poverty. Profile books, 2012. http://www.profilebooks.com/isbn/9781846684296/

(6)            James Davison  Hunter. To change the world. The irony, tragedy and possibility of Christianity in the late modern world. Oxford University Press, 2010  http://ukcatalogue.oup.com/product/9780199730803.do#.UFTcza7j5Zp

(7)            Voir sur ce blog : « Changement dans les esprits. Nouvelles finalités, nouvelles approches. L’économie positive ».

Voir sur le site de Témoins : « L’économie sociale et solidaire. Ses valeurs et ses enjeux »  http://www.temoins.com/en-bref/leconomie-sociale-et-solidaire-ses-valeurs-et-ses-enjeux.html

L’économie positive

Changement dans les esprits.

Nouvelles finalités, nouvelles approches.

La grande crise financière et économique, que nous traversons, est en train de susciter des remises en cause et des prises de consciences et aussi d’engendrer des attentes et des approches nouvelles. Comme l’écrit Michel Serres : « Si nous vivons une crise, aucun retour en arrière n’est possible. Il faut donc inventer du nouveau » (1). Des représentations et des attitudes nouvelles sont en train d’apparaître et de se propager. De l’intérieur, la pratique économique commence à changer.

Parmi les premiers signes de transformation, figure le LHforum, premier forum international sur le thème de l’économie positive et responsable (2), organisé dans la ville du Havre, le 13 et 14 septembre 2012, à l’initiative du groupe PlaNet finance, fondé par Jacques Attali et Arnaud Lentura et devenu la première institution globale de microfinance dans le monde.  Le forum a permis de mettre en évidence des initiatives très diverses. Abondamment commentée dans les médias, cette manifestation a fait connaître le courant de l’économie positive .

Dans une vidéo introductive (2 ), Jacques Attali nous introduit dans la dynamique de ce mouvement. Ses propos sont particulièrement éclairants .

Jacques Attali constate que le monde entier prend conscience aujourd’hui de sa fragilité. La précarité n’est plus le lot exclusif des pays pauvres. Elle apparaît comme une menace dans les pays développés. C’est « la prise de conscience d’une situation précaire pour tout le monde ». « Nos civilisations sont mortelles, nos statuts sont fragiles, nos vies sont précaires ». Quel avertissement !

La planète se transforme à vive allure. La mondialisation, en marche depuis 3000 ans, suscite une économie définitivement mondiale, à la fois « nécessaire et inévitable ». Mais si cette mondialisation n’est pas accompagnée par l’affirmation de la « règle de droit », et si possible d’une «règle de droit démocratique », « elle conduira au chaos »

Progressivement, des systèmes de protection sociale sont apparus dans de nombreux pays. Aujourd’hui, on a besoin d’un mouvement analogue à l’échelle mondiale. Il faut « transférer à l’échelle mondiale cette prise de conscience d’une solidarité qui a surgi dans les différents pays ».

L’économie positive est une nouvelle manière d’envisager l’économie. Et, en particulier, le profil y perd son caractère dominateur.  « Le profil n’est plus une fin, mais un outil pour atteindre des valeurs plus élevées : altruisme, éthique, morale, qualité de vie… Les richesses créées ne sont plus une fin en soi, mais un moyen…L’argent doit être considéré comme le pinceau du peintre et non comme l’œuvre d’art … ».

C’est un changement de perspective qui est entrain de se produire et qui commence à se manifester avec vigueur dans des entreprises pionnières. « L’économie peut être retournée de façon positive si elle considère que sa finalité est éthique… »

La transformation du système économique ne se fera pas sans oppositions et sans conflits. Mais une vision nouvelle est en train d’apparaître comme le montre Jérémie Rifkin dans son livre sur la « Troisième Révolution industrielle » (3). Et, si on suit Jacques Lecomte dans son livre sur la bonté humaine (4),  des évolutions dans les mentalités sont en cours. Face aux ravages engendrés par un système en crise , la réflexion des chercheurs (5 ) et la montée d’un nouvel état d’esprit vont appuyer les actions réformatrices. Une piste à suivre attentivement…

J H

 

(1)            Serres (Michel). Le temps des crises . Le Pommier , 2009.  Citation en page de couverture.

(2)            Site sur le mouvement et présentation du forum : http://www.lhforum.com/

(3)            Sur ce blog : « Face à la crise, un avenir pour l’économie : la troisième révolution industrielle » https://vivreetesperer.com/?p=354

(4)             Sur ce blog : « La bonté humaine, est ce possible ? » https://vivreetesperer.com/?p=674

(5)            Sur ce blog : « Pour réformer la finance… le livre de James Fatherley : « Of markets and men »