Force et joie de vivre dans un engagement politique au service des autres

Le livre de Ségolène Royal : « Cette belle idée du courage ».

Si elle attire enthousiasme ou contradiction, Ségolène Royal a effectué en France un parcours politique qui ne peut être ignoré (1). Dans cette entrée en matière, nous n’avons donc pas à le rappeler. A la suite d’autres livres qui ont ponctué son itinéraire politique, elle vient d’écrire un nouvel ouvrage : « Cette belle idée du courage » (2).

Pourquoi ce livre ?

Et elle nous dit pourquoi : « L’idée de ce livre est née de la question qu’on m’ont tant de fois posée des proches comme des inconnus, des militants et des citoyens, en France et hors de France. « Comment faites-vous pour continuer malgré tout ? » (p 13). Ce  « malgré tout » nous rappelle les épreuves que Ségolène Royal a vécu au cours de ces dernières années : un déchirement dans sa vie privée et des déboires politiques qui se sont succédés, mais qui ne l’ont pas empêché de poursuivre son parcours comme présidente de la Région Poitou-Charentes (3), vice-présidente de l’Internationale Socialiste et aujourd’hui vice-présidente de la Banque publique d’investissement. Le titre même de son chapitre introductif est explicite : « Panser ses plaies et repartir ».

Oui, « pourquoi continuer ? » « La défaite est une violence dont on ne se relève pas par un déni… Accuser le coup n’oblige pas à en rester là. L’effet décapant d’une défaite peut éroder jusqu’aux raisons de se battre, ou, au contraire, les fortifier et aider à faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire, permettre d’inscrire le moment douloureux dans une perspective plus large, en cherchant à faire primer le destin collectif sur la mésaventure personnelle et en regardant la part qui nous incombe (p 17).

Et, dans ce chemin, Ségolène Royal nous dit combien elle a été aidée par de grands témoins de pays divers et d’époques différentes. Elle s’est ainsi nourrie « de rencontres, de révoltes partagées et de combats menés » auxquels elle déclare « devoir une bonne part de l’endurance et de la persévérance dont on la crédite ». « Ce livre », nous dit-elle, « exprime une reconnaissance à l’égard des « passeurs de courage ». Leurs leçons sont universelles. Elles peuvent servir à d’autres qui pourront, je l’espère, y puiser, elles et eux aussi, des raisons de tenir bon face à l’adversité, car c’est ainsi qu’on se relève et qu’on avance » (p 18).

Les formes de courage sont multiples et elle en énumère quelques unes :

° « Le courage de dire non, cet acte inaugural dont tous les autre procèdent.

° Le courage de penser à rebours des conformismes ambiants.

° Le courage de vouloir la vérité et celui de briser, à ses risques et périls, les omertas tenaces.

° Le courage du quotidien aussi, le courage de tenir bon et de se tenir droit quand la vie est rude et nous malmène…

° Le courage de vaincre la peur.

° Le courage de se risquer sur des piste inédites et d’oser des réponses neuves » (p 18-19).

Quelles intentions ?

          Dans une interview à « Femme actuelle » (4), Ségolène Royal nous éclaire sur ses intentions.

         Oui, elle a choisi des « personnes capables d’agir et de se mettre en harmonie entre leur comportement et la recherche d’un idéal.

Et, quand on lui demande pourquoi elle apparaît « si sereine, presque hilare, les yeux fermés » sur la photo qui illustre la couverture, elle répond : « J’ai voulu un livre profond, mais aussi plein d’espoir et de gaîté. En effet, on ne peut qu’être frappé par un point commun, à ces différents portraits que je propose, cette capacité à être joyeux malgré des épreuves très fortes, Que ce soit Nelson Mandela, Louise Michel ou Stéphane Hessel etc, ils ont conservé malgré de terribles épreuves, cette aptitude au bonheur, cette capacité à capter la sensibilité des gens,  à se régaler d’un paysage, d’une musique, d’un moment de paix. Ils y puisent aussi leurs forces.

Quels sont ses espoirs ? « Mon espoir, c’est que justement les gens retrouvent de l’espoir et ne cèdent pas au découragement. Le livre n’est pas une projection personnelle. C’est la transmission de leçons de vie enthousiasmantes ».

Ainsi, dans le climat de morosité qui est si répandu aujourd’hui, Ségolène Royal nous offre un livre qui transmet une expérience de vie positive et qui témoigne de valeurs.

Une vision politique.

Ségolène Royal nous présente ainsi une galerie de portraits. Ces personnalités sont certes exemplaires par leur courage, mais le choix qui en est fait, témoigne également d’une vision politique.

Dans cette période où l’unification du mode s’accélère, dans quelle mesure la France est-elle capable d’entrer pleinement dans ce mouvement ? Manifestement, ici, la vision est résolument internationale. La plupart des chapitres témoignent de cet horizon ; Des personnalités d’autres pays, d’autres continents : Nelson Mandela, Dilma Rousseff, Franklin Roosevelt y rayonnent, mais aussi les personnalités françaises citées sont, pour la plupart, très impliquées, à un titre ou un autre, dans la vie internationale. Jaurès n’est pas seulement un grand républicain engagé dans les luttes sociales, il est aussi l’homme de la paix, assassiné parce qu’il a lutté de toutes ses forces contre la guerre de 1914-1918 qui va plonger l’Europe dans le malheur et le chaos. François Mitterrand peut être rangé dans les constructeurs de l’Europe. Aimé Césaire, Stéphane Hessel, Sœur Emmanuel sont des acteurs à l’échelle internationale.

Le choix des personnalités témoigne également de leur engagement dans un mouvement qui, dans différents domaines, œuvre pour une libération, pour la reconnaissance de la dignité humaine et de la justice.

Un premier aspect est la lutte contre ce qui a été l’esclavage et la domination vis-à-vis des peuples d’autres couleurs : Nelson Mandela, André Césaire, Olympe de Gouges, Lincoln. 

Un deuxième aspect est la lutte pour la justice sociale couplée éventuellement avec une politique économique orientée dans le même sens : Lula, Dilma Rousseff, Franklin D Roosevelt, François Mitterrand, Jaurès. Et puis, il y a les actions menées par les ouvriers d’Heuliez et les ouvrières de la confection,  avec le soutien de la présidente de la Région Poitou-Charentes.

Enfin, la présence des femmes en politique et la lutte pour la reconnaissance de la place et de la dignité de la femme dans notre société est fortement représentées comme il se doit quand on pense à l’itinéraire de Ségolène Royal , très consciente des oppositions qu’elle a, elle-même, rencontrées : Leyla Zana, Dilma Rousseff, Sœur Emmanuel, Louise Michel, Olympe de Gouges, Jeanne d’Arc,  Ariane Mnouchkine.

Cette action politique est fondée sur des valeurs explicitées et assumées qui proclament la dignité et le respect de l’être humain dans toutes ses dimensions, à la fois personnelle et sociale. L’homme n’est pas un moyen, mais une fin. Il a droit à la considération,à la justice. Au Brésil, Lula émet un slogan : « Lula, paix et amour » (p 63). En Afrique du Sud, Nelson Mandela remportant la victoire après trente ans de pénible détention, ne cède pas à l’esprit de vengeance. « Il ose l’espoir d’un pays fraternel. Il y engage tout son prestige moral et tout son poids politique, tout son pouvoir de conviction » (p 27). « Etre libre », écrit-il, « ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes.  C’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres » (p 21). Dans une dynamique de vie, il y a le geste de pardon. Affreusement torturée pendant la période de la dictature militaire, des années plus tard, lorsqu’elle accède à la présidence du Brésil, Dilma Rousseff écrit : « J’ai enduré les souffrances les plus extrêmes. Je ne garde aucun regret, aucune rancune ». Voilà un état d’esprit qui fait contraste avec l’engrenage de la vengeance et de la mort qui caractérise d’autres épisodes de l’histoire. Ce respect porté à l’être humain est une exigence qui s’inscrit dans la vie quotidienne. Comme Ministre de l’enseignement scolaire, Ségolène Royal a eu le courage d’engager la lutte contre le bizutage, une pratique dégradante implantée dans de nombreux établissements ou les bas instincts trouvaient à se manifester avec la complicité active ou passive des autorités. Face aux préjugés, aux habitudes, aux traditions, on imagine les résistances auxquelles Ségolène Royal s’est heurtée. Ainsi consacre-t-elle un chapitre à l’audience de la Cour de justice de la République, le 15 mai 2000, qui l’a lavée d’une accusation calomnieuse (p 281-304). Oui, déterminée, elle l’a été face à « des rituels répugnants d’avilissement et de domination infligés à des jeunes sous les prétextes fallacieux de la tradition et de l’intégration au groupe » (p 285).

Finalement, cette lutte partout engagée pour la libération des êtres humains par rapport au mal qui leur est infligé par des structures et des forces sociales dominatrices, trouve son fondement dans un sens de la justice  qui, lui-même, s’enracine dans une capacité d’empathie, dans une capacité d’amour. La conclusion du chapitre sur Jaurès nous le dit excellemment : « Jaurès était un ami du peuple, sincère, sans postures ni facilités. Les gens, les pauvres gens l’aimaient, car ils le sentaient du côté de ceux qui souffrent. Personne ne l’a mieux dit que Jacques Brel :

« Ils étaient usés à quinze ans

Ils finissaient en débutant

Les douze mois s’appelaient décembre

Quelle vie ont eue nos grands-parents…

Ils étaient vieux avant que d’être

Quinze heures par jour, le corps en laisse

Laissent au visage un teint de cendre.

Oui, notre monsieur, notre bon maître

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? » (p 192).

La France en chemin

Ce livre ne traite pas de la conjoncture politique actuelle en France. Il témoigne d’un état d’esprit qui a pris de la hauteur en se situant dans la durée et dans le vaste espace du monde. La seule référence à des actions présentes concerne les luttes pour l’emploi entreprises par les ouvriers et les ouvrières d’Heuliez et d’Aubade en Poitou, soutenues par Ségolène Royal, présidente de la région. Mais celle-ci n’a pas oublié tous ceux qui l’ont accompagnée dans son itinéraire politique et particulièrement dans la campagne présidentielle de 2007. « Merci à toutes et à tous, correspondants amicaux, épistoliers fraternels. Ensemble, osons le courage. Voici l’urgence du temps présent… » (p 305-310).

Dans le cadre de ce blog, nous n’entrons pas dans les péripéties politiques. Comme dans ce livre, notre regard se porte sur les fondements et cherche à s’inscrire dans la durée. Mais il y a une relation profonde entre ressenti et compréhension. Et c’est pourquoi nous ne pouvons pas passer sous silence la manière dont nous avons vécu la campagne présidentielle de 2007. Des expressions comme « ordre juste, démocratie participative, intelligence collective, politique par la preuve… » continuent aujourd’hui à nous inspirer. L’appellation donnée à l’association qui a soutenu Ségolène Royal : « Désirs d’avenir » (5) a été pour nous extrêmement évocatrice. En effet, elle exprime bien ce qui monte dans les consciences, une aspiration à un avenir meilleur. Ce n’est pas une idéologie qui descend d’en haut, c’est une parole qui naît en chacun.  Et, de surcroît, cette approche a su s’appuyer sur les sciences humaines pour prendre en compte la réalité (6). Ainsi, nous avons perçu dans cette campagne un enthousiasme qui répondait à la capacité d’empathie de la candidate. Ce n’est pas un hasard si les quartiers populaires, où les cultures du Sud sont bien représentées, ont voté pour elle en masse. La fraternité, la convivialité,  des réalités humaines dont la France a bien besoin, s’éveillaient et devenaient tangibles. Des amis chers ont pu s’inquiéter de cette veine émotionnelle et s’en détourner, mais il y avait là une dynamique qui ne peut être oubliée. On pourrait formuler l’appel qui a été formulé à cette époque dans les termes suivants : Français, entrons ensemble dans le monde d’aujourd’hui dans un esprit de solidarité et de justice. Ségolène Royal regarde vers l’avenir, hors des réflexes sécuritaires.  Les avant-gardes ne sont pas toujours bien reçues, mais, dans la durée, la culture nouvelle parvient à se frayer un chemin.

Des sociologues, des économistes nous appellent aujourd’hui à prendre conscience d’un héritage du passé qui handicape notre pays. Michel Crozier a écrit autrefois un livre sur « La société bloquée » (7). Aujourd’hui, un économiste Yann Algan nous avertit en publiant un livre : « La fabrique de la défiance » (8). Il y a dans notre histoire et la manière dont elle pèse encore sur nos institutions, en particulier le système scolaire, une empreinte de hiérarchisation et d’uniformité. Les enquêtes internationales montrent combien la France est en retard en terme de confiance. Bien sûr, ce n’est pas une fatalité. Et c’est là que le message de ce livre peut exercer une influence. Car une vision originale contribue à modifier et à réorienter les représentations. Et il est possible d’agir à différents niveaux. En une décennie, grâce à des dirigeants hors pair, le Brésil est sorti du sous-développement pour entrer dans le concert des pays économiquement dynamiques. Et dans un plus lointain passé, Franklin D. Roosevelt, malgré un grave handicap physique, a permis aux Etats-Unis de faire face à une grande crise. Ces exemples témoignent de l’impact du politique. Ce livre porte une dynamique.

Un idéal de vie

Si ce livre s’applique surtout à l’expression du courage dans la vie publique, il n’oublie pas les épreuves de la vie privée : « Je comprends le courage qu’il faut pour surmonter les accidents de la vie, cette impression douloureuse d’amputation dans les ruptures affectives, la cassure due à la perte d’emploi ou encore ce sentiment de diminution sans retour causé par la maladie ou le décès d’un être cher, un toboggan sans fin. Tout cela appelle une résilience, une force à aller chercher pour repartir ». « Se sentir « haï par la vie sans haïr à son tour », continuer à « lutter et se défendre » sans devenir « sceptique ou destructeur » pour reprendre Rudyard Kipling (dont le texte : « Tu seras un homme, mon fils » est présenté en introduction) et, sans dire un seul mot, se mettre à rebâtir », si un peu de tout cela est transmis au lecteur qui souffre, alors cet ouvrage n’aura pas été inutile » (p 14-15).

Pour Ségolène Royal, le courage trouve son inspiration dans la participation à un mouvement qui nous dépasse. Elle l’exprime en ces termes : « Réussir sa vie d’homme ou de femme n’est pas le but ultime, il y a des idéaux qui nous transcendent, des luttes qu’on se doit de mener en mémoire de ceux qui crurent. Il faut avoir confiance dans l’homme, et ne pas le croire seulement rationnel, calculateur, court-termiste, car nous avons un labeur qui n’attend pas : le progrès, solidaire et fraternel de tous » (p 192).

Chez Ségolène Royal, cette conscience est si affirmée que les sacrifices consentis dans cette marche ne s’accompagnent pas d’une expression de tristesse, de mélancolie. Et, dans les personnalités qu’elle décrit, elle met l’accent sur leur goût de vivre et leur bonheur d’être. Quelque part, il y a tout au long de ce livre une forme de joie. Rappelons son interview à « Femme actuelle » : « On ne peut qu’être frappé par un point commun à ces différents portraits que je propose, cette capacité à être joyeux malgré des épreuves très fortes ».

Et, dans bien des cas, cette ouverture s’accompagne de bonté envers les autres. Ainsi, Nelson Mandela, depuis sa prison, écrit en 1981 : « C’est une vertu précieuse que de rendre les hommes heureux et de leur faire oublier leurs soucis ». Et ce conseil à retenir : « Prenez sur vous, ou que vous viviez, de donner de la joie et de l’espoir autour de vous » (p 29).

En chemin

Il y a dans ce livre, un souffle, un mouvement. C’est un ouvrage qui dissipe le pessimisme, un livre tonique. A cet égard, on peut le comparer au livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible » (9). Les genres sont différents.  Mais, dans les deux cas, le lecteur est appelé à aller de l’avant. Dans son livre, Jean-Claude Guillebaud analyse les origines du pessimisme actuel. Et, à juste titre, il évoque les grands massacres qui ont accompagné les deux grandes guerres du XXè siècle. L’histoire nous rappelle ainsi de temps à autre la fragilité de la société humaine.

En s’adressant à un vaste public, Ségolène Royal s’exprime sur un registre de parole qu’elle souhaite pouvoir être reçu par tous les lecteurs. Elle prend même des précautions puisque, lorsqu’elle parle de Jeanne d’Arc, elle écrit sur le ton de l’humour : « Moi, je n’ai pas le droit de vous parler de Jeanne d’Arc, car, si je le fais, je sais bien qu’aussitôt on parlera de « religiosité », de « foi », d’évangélisme »…    Ségolène Royal nous invite au courage. Quand on sait les épreuves qu’elle a affrontées, on reçoit ses paroles avec humilité. Oui, ce sont là des paroles authentiques. Elle peut nous parler sur le registre de l’expérience, et ce qu’elle dit, porte. Chacun donc reçoit son message selon son itinéraire et en fonction de son cheminement. Pour nous, si nous recevons pleinement cette expérience communicative, nos questionnements nous appellent à aller plus loin dans la recherche de sens.

Sur ce blog, dans une contribution : « les malheurs de l’histoire. Mort et résurrection » (10), un poème exprime ces interrogations.

« O, temps de l’avenir, brillante cité terrestre

A quoi te servirait-il que nous te connaissions

Si nos yeux devaient à jamais mourir

Et dans les cimetières, nos corps pourrir…

A quoi serviraient-ils les lendemains qui chantent

Si tous nos cimetières recouvraient la terre… »

Ainsi, pour nous, le courage, pour s’exercer sereinement a besoin de s’ancrer dans un espoir, dans une espérance. Il a besoin de s’inscrire dans la conviction que la mort n’a pas le dernier mot, c’est à dire l’anéantissement des êtres et des collectivités humaines, et qu’il y a,  par delà, une réussite ultime de la vie.

Dans de grands tourments, c’est plus que de courage que nous avons besoin, mais de confiance, comme l’écrit Odile Hassenforder dans son histoire de vie (11). Jürgen Moltmann, un théologien auquel nous avons souvent recours sur ce blog inscrit sa réflexion sur la dynamique de la libération dans une théologie de l’espérance, la vision d’une nouvelle création qui se prépare dans l’œuvre du Christ ressuscité et le souffle de l’Esprit (12). Ce n’est plus une religion statique qui s’adresse aux seuls individus et légitime un statu-quo social et politique. C’est une dynamique de vie et d’espérance qui concerne tout l’homme et tous les hommes et qui nous inspire en nous permettant d’aller « De commencements en recommencements » (13).

En confiant ainsi au lecteur ce cheminement de pensée, nous apportons notre contribution personnelle à la réflexion sur la vie et sur l’humanité, ou plutôt pour la vie et pour l’humanité à laquelle Ségolène Royal nous convie dans son beau livre sur le courage. Oui, il y a dans cet ouvrage, un souffle, une dynamique de vie pour la vie. Elle nous appelle à persévérer, à poursuivre notre action « dans des idéaux qui nous transcendent », et plus simplement dans cette empathie, cet amour en acte qui transparaît dans son message et qu’elle évoque si bien lorsqu’elle nous fait entrer dans la vie de personnalités comme Nelson Mandela, Louise Michel ou Jaurès. Avec Ségolène Royal, écoutons ces « passeurs de courage » qui sont aussi des « passeurs d’énergie ».

JH

(1)            On pourra s’informer sur le parcours politique de Ségolène Royal dans un article sur Wikipedia . Ce texte bien documenté nous montre l’ampleur et la fécondité de son parcours, tout en mentionnant les critiques et les reproches qui ont pu être exprimés vis-à-vis de cette personnalité. Une information récente montre que la rédaction de cet article cristallise les tensions  entre partisans et adversaires. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ségolène_Royal

(2)            Royal (Ségolène). Cette belle idée du courage. Grasset, 2013.

(3)            Présidente de la Région Poitou-Charentes, Ségolène Royal y a entrepris une action innovante dans de nombreux domaines, notamment la politique écologique et la transition énergétique. http://www.presidente.poitou-charentes.fr/

(4)            « Pourquoi ce livre ? » : Interview sur « Femme actuelle » http://www.femmeactuelle.fr/actu/dossiers-d-actualite/interview-segolene-royal-livre-cette-belle-idee-du-courage-02568

(5)            Site de Désirs d’avenir : http://www.desirsdavenir.org/

(6)            Ainsi a-t-elle dialogué avec de grands chercheurs comme Edgar Morin et Alain Touraine. Elle a même écrit un livre avec ce dernier : Royal (Ségolène), Touraine (Alain). Si la gauche veut des idées. Grasset, 2008

(7)            Michel Crozier est l’auteur d’une œuvre sociologique particulièrement éclairante pour comprendre la société française : http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Crozier            On pourra lire notamment: Crozier (Michel) ; la société bloquée. Le Seuil, 1971

(8)            Algan (Yann), Cahuc (Pierre), Zylbergerg (André). La fabrique de la défiance, Grasset, 2012. Voir sur ce blog une mise en perspective : « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » https://vivreetesperer.com/?p=1306

(9)            Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible.Comment retrouver l’espérance ? L’iconoclaste, 2012. Voir sur ce blog une mise en perspective : « Quel avenir pour la France et pour le monde ? » https://vivreetesperer.com/?p=937

(10)      « Les malheurs de l’histoire. Mort et résurrection »  https://vivreetesperer.com/?p=744

(11)      Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte, 2011. Présentation sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/sa-presence-dans-ma-vie.html.  Le thème de la confiance est très présent dans ce livre : https://vivreetesperer.com/?p=1246

(12)      Un blog : « L’Esprit qui donne la vie » est destiné à faire connaître la pensée de Jürgen Moltmann aux lecteurs francophone. http://www.lespritquidonnelavie.com/  On y trouvera notamment une mise en perspective de son livre de synthèse : Moltmann (Jürgen.) Sun of rightneousness. Arise ! God’s future for humanity and earth. Fortress Press, 2010 : « L’avenir de Dieu pour l’humanité et la terre » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=798 . Une réflexion sur notre rôle dans l’histoire : « En marche. Dans le chemin de l’histoire, un processus de résurrection » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=848

(13)      Moltmann (Jürgen). De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte Temps présent, 2012. Voir : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=844  et https://vivreetesperer.com/?p=572

Apprendre à vivre ensemble


Témoignage sur une vie de quartier.

 

Yves Grelet est retraité. Prêtre marié, il milite activement, avec son épouse, Marie Christine, dans plusieurs associations locales à Bezons, une ville ouvrière de la région parisienne en pleine transformation. Il nous parle de cette ville qui a une tradition associative particulièrement dynamique. « Ville ouvrière depuis l’ère industrielle, Bezons a été très vite marquée par une vie syndicale et politique de gauche, et notamment par une forte implantation du parti communiste. La première fête de l’Humanité  s’est déroulée à Bezons. Aujourd’hui, le parti socialiste est devenu majoritaire ».

Yves Grelet habite dans la cité du Colombier, un quartier où la mixité est importante au niveau de l’habitat (HLM et copropriété), au niveau de la composition sociale (populations de provenances géographiques très diverses, avec une proportion assez forte de familles d’origine maghrébine ou africaine). Dans cette population immigrée, les enfants sont nombreux et le chômage a un impact important chez les jeunes.

 

Grâce à la vie associative, les difficultés provoquées par la situation économique et sociale sont prises au sérieux, nous rapporte Yves Grelet. Le Centre social abrite le siège de plusieurs associations, (des groupes de femmes, de jeunes, ou de loisir). La participation nombreuse aux fêtes témoigne de la volonté et de la joie d’agir pour un vrai « vivre ensemble ». Plusieurs familles s’impliquent.

Récemment, les enfants du quartier ont été invités à réaliser « un germoir » (1). Des animateurs les ont aidés à semer des graines qui permettent d’introduire la vie végétale dans un  environnement urbain en pleine transformation. Les plantes, c’est la vie. Il est bon d’appendre à les respecter…

Il y a aussi toute une activité d’échanges de savoirs. On partage les compétences en cuisine, en couture, en apprentissage des langues…

Une équipe d’« Action sociale », en lien avec la municipalité, accueille et oriente les personnes en difficultés.

 

Yves observe les changements en cours et cherche à en évaluer les effets.

« Aujourd’hui, ici comme ailleurs, le chômage bat son plein. Pourquoi ? Une des raisons me saute aux yeux. Lorsque j’observe les constructions des nouveaux immeubles, je suis émerveillé par l’intelligence des nouveaux procédés de construction, aussi bien au niveau des méthodes que des engins utilisés. Je remarque aussi la grande fierté des techniciens acteurs dans ces réalisations impressionnantes. Mais une question se pose à partir de là : Que sont devenus, que deviendront demain ceux qui autrefois  pouvaient participer de leurs mains au travail du bâtiment ?

A la fin de l’année, un nouveau tramway, le T2 , transportera vers La Défense les personnes qui utilisaient jusqu’ici leurs voitures, mais aussi de nombreux autobus. C’est un grand progrès, car cela va supprimer d’énormes embouteillages et également faciliter l’implantation de nouvelles entreprises. Mais, en même temps, certains des actuels emplois de chauffeurs de bus vont être supprimés…

Au total,  face à la disparition des anciens métiers, comment permettre aux gens sans qualification d’échapper au chômage ?

Dans cet entre-deux difficile entre l’ancien et le nouveau, on observe une évidente détérioration du tissu social.

Par ailleurs, un problème commence à se poser ici avec acuité. Du fait de la démolition récente d’anciens immeubles environnants où ils pratiquaient et de l’augmentation croissante du chômage, certains dealers se sont « rabattus » sur ce quartier, au point qu’il deviendra peut-être nécessaire un jour de l’inscrire comme « zone prioritaire de sécurité ».

 

Dans la ville, avec l’appui de la municipalité, le Mouvement ATD Quart Monde s’est implanté depuis deux ou trois ans. Yves y participe  pour une part. Le but d’ATD se définit par ses initiales: « Agir Tous pour la Dignité ». Joseph Wresinski, son fondateur, précise : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré ».

Grâce à quelques bénévoles bezonnais d’ATD quart monde une « bibliothèque de rue » a été créée pour les enfants : c’est un temps où se partage le plaisir de lire avec les enfants, un moyen de  faire grandir le goût des livres indispensable à tout apprentissage et découverte, et une occasion offerte à tous, les lecteurs, enfants, animateurs, parents, habitants, de se rencontrer et de se connaître.

Avec ATD Quart Monde également, plusieurs personnes en situation difficile participent  chaque mois à l’Université Populaire. Cette université n’est pas un lieu où on suit un  cours, mais un lieu de « parole », où on s’exprime et où on écoute les autres. Un thème est proposé pour chaque réunion. Ce thème est commun à la dizaine de groupes ATD implantés dans la région parisienne et qui se rencontrent un soir par mois sur Paris pour échanger leurs observations et propositions. Les thèmes sont variés, par exemple : Quelle école pour une société juste –  L’amitié et la fraternité –   Droit de vote politique et refus de la misère –  Quel combat hier, aujourd’hui et demain contre la grande pauvreté –  La vieillesse… Deux accompagnateurs bénévoles assurent le suivi du groupe : Jean-Claude, l’animateur, permet l’expression de chacun. Yves est chargé de prendre note très fidèlement de ce que les gens expriment et de les retranscrire ensuite.

Grâce à ATD Quart Monde, entre autres, on a pu voir plusieurs personnes en difficulté issues du quartier s’insérer concrètement dans la vie collective : elles participent à la lutte contre les logements insalubres et pour l’application réelle, dans le Val d’Oise, de la loi imposant  20 % minimum de logements locatifs sociaux dans les communes de plus de 20.000 habitants. On les a vus aussi dans les manifestations organisées pour la défense de l’hôpital d’Argenteuil (dont les services sont régulièrement menacés de fermeture).

Enfin, Yves Grelet nous parle de ce qui l’anime profondément.

« Je viens d’une famille populaire. Mon père, militant ouvrier, nous a transmis cette fierté de lutter contre les injustices. En Anjou, il a monté autrefois de nombreuses sections syndicales et participé à la création de deux coopératives ».

Pour Yves, le message de l’évangile cité en Matthieu 25 représente une référence majeure. Il la traduit aujourd’hui ainsi : « J’étais sans papiers : vous m’avez aidé à connaître et défendre mes droits d’étranger.  J’étais sans abri : vous avez manifesté pour faire respecter le droit à un logement décent. J’étais malade ou handicapé : vous m’avez visité,  vous avez agi pour me permettre l’accès aux soins et à la vie sociale. J’étais une femme battue : vous m’avez écoutée, accompagnée et défendue. J’étais dans la misère : vous m’avez fait connaître des associations humanistes solidaires. J’étais isolé : vous m’avez ouvert aux droits d’expression, à la culture, aux transports… J’avais faim et soif de justice, mais peur de m’engager : vous m’avez encouragé à oser ».

Yves reconnaît l’influence sur lui d’un grand spirituel, Maurice Zündel qui a écrit : «  On comprend dès lors pourquoi Jésus pousse l’identification jusqu’au Jugement dernier. « J’ai eu faim, j’ai eu soif, j’étais en prison, j’étais en haillon, j’étais informe. C’était moi en chacun, c’était moi ! Ce que vous avez fait à chacun, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25. 35-40). Et voilà  le Jugement dernier : votre attitude envers l’homme, c’est elle qui décide de tout ».

En écho, Yves ajoute : « Là est la vraie fidélité à l’essentiel : le « sacrement du frère », n’est ce pas ? ».

 

Contribution de Yves Grelet

 

(1) Fin juin 2012, le chantier du « germoir » a été mis en oeuvre à Bezons par une association engagée dans une recherche active en agriculture urbaine: « Les Saprophytes », « collectif poético-urbain »

Briser la solitude !

Une expérience internationale.

 

« Ni mon passé familial, ni ma formation professionnelle (avocat), ne m’ouvrait à priori sur les relations internationales »,  nous dit Guy Aurenche, président du CCFD-Terre solidaire. « Je les ai découvertes lorsque les deux fondatrices de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) sont venues me chercher pour travailler avec elle contre la torture dans le monde. À cette occasion, j’ai découvert la dynamique des droits de l’homme (Déclaration universelle des droits de l’homme. 10 décembre 1948) comme une étape fondamentale dans l’histoire de l’humanité et comme un moyen de mettre la dignité humaine au centre des relations internationales. Je fais la même expérience actuellement face à la question du développement dans le cadre du CCFD-Terre solidaire ».

 

Comment Guy Aurenche vit-il cette expérience ?

« L’expérience fondamentale que j’ai faite dans la pratique des relations internationales à travers la société civile, c’est la découverte que chacun de nous, s’il accepte de s’allier avec d’autres, est un sauveteur en puissance.

Sauveteur, parce que nous devenons capable de briser la solitude des personnes ou des peuples que la vie nous fait rencontrer.

Ce qui est vrai dans des situations de proximité, mais également dans les relations internationales.

L’ACAT m’a fait découvrir notre capacité de briser la solitude du torturé dans sa prison. Le CCFD-Terre solidaire me fait découvrir que nous sommes capables de briser la solitude du plus pauvre face à sa misère.

Sur le plan de la vie chrétienne, je fais le lien entre cette capacité de sauvetage et la proposition de « salut » par Jésus-Christ. Pour moi, Jésus, ne nous dit pas autre chose que  « tu  n’es plus seul. Vous n’êtes plus seul ».  C’est mon expérience pratique. C’est mon expérience spirituelle.

 

Contribution de Guy Aurenche

 

En préparation : « Une vision renouvelée des relations internationales. Interview de Guy Aurenche » sur le site de Témoins.

 

« Guy Aurenche. De l’ACAT au CCFD-Terre solidaire. Le souffle d’une vie » : Présentation du livre de Guy Aurenche : Le souffle d’une vie. Quarante ans de combat pour une terre solidaire. Préface de Stéphane Hessel. Albin Michel, 2011.  Sur le site de Témoins.

http://www.temoins.com/societe/guy-aurenche-de-l-acat-au-ccfd-terre-solidaire.-le-souffle-d-une-vie.html

 

« Tout homme est une histoire sacrée. Les droits humains au secours de la transcendance ». http://www.temoins.com/societe/tout-homme-est-une-histoire-sacree.html